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Antoine Monin (Spotify) : « Il est crucial de consolider notre indépendance financière »

Antoine Monin (Spotify) : « Il est crucial de consolider notre indépendance financière »
Antoine Monin, DG de Spotify France et Benelux intervenant lors de la 6ème édition d'Innov'Audio Paris

Face à l’IA, la question de la rémunération des artistes, la montée des podcasts et des contenus natifs, l’audio digital fait face à une révolution de son temps. La plateforme de streaming Spotify est sur le devant de la scène. Quel est son positionnement sur le marché de l’audio ? Quel est son modèle économique ? Antoine Monin, directeur général de Spotify France et Benelux, a répondu aux questions de François Quairel, directeur de la rédaction de The Media Leader, lors d’Innov’Audio Paris.

The Media Leader : Spotify célèbre ses 15 ans en France, avec 576 millions d’utilisateurs dans le monde, dont 30% en Europe. Que s’est-il passé il y a 15 ans ?

Antoine Monin : Le marché de la musique et du numérique audio n’était pas celui que l’on connaît aujourd’hui. Pour beaucoup, on pensait même qu’il n’existerait plus. Une véritable révolution s’est produite. Le contenu et les artistes étaient toujours présents, mais l’élément manquant était un outil adéquat pour écouter et découvrir. Notre objectif était de créer un outil incitant les utilisateurs à écouter de la musique et à renouveler le consentement à payer. Cette transformation de l’usage a également remodelé le marché. Nous sommes passés d’un marché dicté par l’offre, notamment celle des maisons de disque, à un processus quasi-industriel. Il nécessitait d’importants investissements, prenait du temps, et l’offre était par essence limitée, jusqu’à ce qu’on trouve un disque dans un magasin. Avec le développement du numérique, la création et la distribution de la musique sont devenues plus accessibles. Aujourd’hui, le marché est dicté par la demande, avec une offre beaucoup plus vaste et sans barrières à l’entrée. En France, par exemple, les neuf premiers artistes parmi les dix les plus écoutés cette année sont français et francophones. C’est donc un marché où l’usage s’est véritablement transformé.

Aujourd’hui, il est crucial pour nous de consolider notre indépendance financière

Antoine Monin, directeur général de Spotify France et Benelux

The Media Leader : Aujourd’hui, Spotify réajuste ses effectifs. Pour quelles raisons ?

A.M : En tant qu’entreprise innovante, nous investissons et expérimentons beaucoup. Selon le contexte économique, l’accès au capital peut devenir plus compliqué. Nous avons beaucoup investi et innové. Aujourd’hui, il est crucial pour nous de consolider notre indépendance financière. Pour y parvenir, il est nécessaire d’assoir une rentabilité et une profitabilité durables. Bien que nous continuions à enregistrer une croissance de plus de 20% dans nos usages et nos revenus, nous devons adapter nos dépenses à un contexte où l’accès au capital est plus compliqué.

Afin de mieux rémunérer les artistes professionnels ou en devenir, nous ajustons notre système de rémunération en nous inspirant de celui de certaines plateformes préexistantes, comme YouTube

Antoine Monin

The Media Leader : Vous allez changer votre façon de rémunérer les artistes. Vous vous êtes engagés à redistribuer 1 milliard d’euros aux artistes musicaux au cours des trois prochaines années. Comment cela va-t-il se passer ? Qu’est-ce qui va changer ?

A.M : Il y a quinze ans, peu de personnes auraient pu imaginer que des centaines de milliers de nouveaux titres seraient livrés quotidiennement sur les plateformes de streaming. Abolir les barrières à l’entrée est fantastique, offrant davantage d’opportunités aux jeunes artistes émergents. Afin de mieux rémunérer les artistes professionnels ou en devenir, nous ajustons notre système de rémunération en nous inspirant de celui de certaines plateformes préexistantes, comme YouTube. Cela implique un seuil minimum de paiement pour déclencher celui-ci, contrairement à la pratique antérieure où l’argent restait dans les caisses des distributeurs.

The Media Leader : Vous avez également misé sur les podcasts, distribuant de nombreux contenus issus des radios. Quelle est votre relation avec les éditeurs ?

A.M : Au départ, les radios nous regardaient d’un mauvais œil, mais il était essentiel de ne pas confondre l’émetteur, le poste et l’éditeur de contenu. Radio France en est un excellent exemple, étant un créateur de contenu exceptionnel avec lequel Spotify est désormais partenaire. Nous contribuons d’ailleurs à rajeunir leur public.

The Media Leader : Vous distribuez également des podcasts natifs et avez une cellule de création de podcasts. Pouvez-vous nous parler de cette aventure, en particulier du podcast L’Heure du Monde du journal Le Monde, le premier podcast natif d’actualité ?

A.M : Notre objectif est de collaborer avec des partenaires, de leur fournir des outils et des moyens, éventuellement financiers, pour se lancer dans l’aventure. Notre intention n’est pas de devenir un producteur ou propriétaire de contenu, mais plutôt un outil de diffusion. Nous avons mis en place des modèles économiques pour soutenir des initiatives telles que L’Heure du Monde, dans lesquelles nous investissons. L’idée est de favoriser l’adoption et l’utilisation, en espérant que ces programmes trouvent leur public et leur modèle.

Notre intention n’est pas de devenir un producteur ou propriétaire de contenu, mais plutôt un outil de diffusion

Antoine Monin

The Media Leader : Le modèle de Spotify est Freemium, avec une partie gratuite, ce qui vous place sur le marché publicitaire. Quel est votre impact sur ce marché ?

A.M : Nous apportons peut-être une approche différente. Dans le monde de l’audio, il existe un lien émotionnel particulier. L’audio a une saveur et un caractère uniques, et tous les annonceurs travaillant avec nous semblent satisfaits. L’adoption du modèle audio numérique chez les utilisateurs, les annonceurs et les agences est plus avancée en Angleterre et en Allemagne. Nous croyons que la France peut rattraper son retard dans ce secteur.

The Media Leader : Comment Spotify innove-t-il au quotidien ?

A.M : Environ 50% de notre budget est consacré à la recherche et à l’innovation, l’autre moitié étant dédiée aux activités commerciales. C’est la pierre angulaire de notre fonctionnement. Contrairement à de grands groupes avec plusieurs modèles économiques et sources de revenus, nous sommes exclusivement axés sur l’audio et devons nous démarquer de nos concurrents.

The Media Leader : Comment utilisez-vous l’IA chez Spotify ?

A.M : L’IA en tant qu’outil de statistique prédictive est remarquable, et nous l’utilisons depuis longtemps, notamment dans le machine learning, comme le montre le lancement de AI DJ en Angleterre. Nous innovons en utilisant l’IA comme un outil.

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