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Concurrence : l’UE déploie son DMA contre les géants de la tech

Concurrence : l’UE déploie son DMA contre les géants de la tech
« C'est une étape importante qui va permettre des progrès », estime Andrea Collart, spécialiste de l'antitrust pour le cabinet Forward Global. « Le DMA tente de répondre de façon concrète aux besoins des concurrents qui aujourd'hui ne peuvent pas rivaliser avec les géants du numérique ».

Pour agir contre les abus de position dominante des géants du numérique, un nouvel arsenal juridique de la Commission européenne entre pleinement en vigueur cette semaine. Six champions de la tech – les américains Alphabet (Google), Amazon, Apple, Meta (Facebook, Instagram) et Microsoft, ainsi que le chinois ByteDance, propriétaire de TikTok – doivent être jeudi en conformité avec le nouveau règlement sur les marchés numériques (DMA), sous peine de lourdes sanctions.

Le DMA fixe une série d’obligations et d’interdictions sur mesure pour endiguer le type d’actions déloyales qui ont abouti à évincer ou brider la concurrence. Parmi de nombreux exemples, Google a désormais interdiction d’exploiter le quasi-monopole de son moteur de recherche pour mieux référencer ses propres services comme le comparateur de prix Google Shopping. Apple doit ouvrir ses iPhones à des boutiques d’applications alternatives à son App Store et à des systèmes de paiements concurrents d’Apple Pay… « Vu la vitesse à laquelle les marchés numériques évoluent, et vu le temps que prennent les procédures classiques de concurrence, il fallait une capacité d’intervention en amont, au lieu de venir après que le dommage soit matérialisé », explique l’avocat Romain Rard, associé au cabinet Gide. Les groupes ciblés, désignés en septembre, ont eu six mois pour se préparer et ont multiplié les annonces sur l’adaptation de leurs services aux nouvelles règles, jurant qu’ils les respecteraient.

Le doute subsiste néanmoins : « Est-ce une conformité a minima sans vrai changement des comportements des entreprises et, si c’est le cas, jusqu’où la Commission sera-t-elle prête à aller dans l’utilisation du DMA et de ses sanctions les plus élevées ? », s’interroge Romain Rard. Vendredi, 34 entreprises et associations professionnelles ont invité la Commission européenne à sévir contre Apple, affirmant que son plan « tourne en dérision » le DMA. Le nouveau règlement renforce en tout cas les pouvoirs de Bruxelles. Les règles de concurrence classiques prévoient des amendes pouvant atteindre 10% du chiffre d’affaires mondial ; avec le DMA, ce sera jusqu’à 20%, en cas de récidive.

« Ce que nous attendons des contrôleurs d’accès, c’est un changement de comportement », a déclaré Margrethe Vestager, vice-présidente de l’exécutif européen. Certes, la responsable danoise reconnaît que ces entreprises ne pourront pas respecter immédiatement la totalité des dispositions prévues dans ce texte visant à contrer les abus de position dominante. Mais les utilisateurs européens devraient constater dès à présent une série de modifications très concrètes, par exemple un choix accru pour les navigateurs Internet et moteurs de recherche, alors que chaque groupe privilégiait jusqu’à présent ses propres solutions. « Nous verrons (pour certaines mesures) une mise en conformité totale de la part de certains groupes, mais je pense qu’il y aura des cas de non-respect », des nouvelles règles, observe-t-elle.

Depuis 2017, Google a cependant déjà été condamné à plus de 8 milliards d’euros d’amendes dans l’UE, sans résoudre les abus identifiés. Mais ses profits s’élèvent à près de 20 milliards… par trimestre. C’est pourquoi la Commission s’est aussi dotée, avec le DMA, du pouvoir de démanteler le contrevenant, en lui imposant la vente d’une partie de ses activités. La mesure s’apparente à une “bombe atomique”. L’UE osera-t-elle l’employer? « Nous discutons depuis des mois avec les entreprises pour leur faire comprendre que les règles du jeu ont changé. Toute entreprise non conforme s’exposera à des sanctions sévères », a prévenu le commissaire européen au Numérique, Thierry Breton. L’exécutif européen va désormais analyser les plans de conformité et poursuivre le dialogue avec les géants et tiers concernés. Outre des sanctions « a posteriori » des abus de position dominante, les nouvelles règles imposent des règles en amont, permettant à la Commission d’intervenir plus vite, et simplifient la charge de la preuve.

Les poursuites contre Google pour pratiques anticoncurrentielles sur le marché des comparateurs de prix avaient démarré en 2010 : il a fallu attendre 2017 pour que Bruxelles inflige une amende de 2,4 milliards d’euros. Et après de nombreux recours, on attend encore le verdict final de la justice européenne sur ce dossier. Le nouveau règlement, désormais, fixe un délai de 12 mois entre l’ouverture d’une procédure et une décision. Pour éviter les stratégies d’étouffement des avocats qui inondent le régulateur avec des centaines de pages de dossiers, une limite de 50 pages est désormais fixée. « C’est une étape importante qui va permettre des progrès », estime Andrea Collart, spécialiste de l’antitrust pour le cabinet Forward Global. « Le DMA tente de répondre de façon concrète aux besoins des concurrents qui aujourd’hui ne peuvent pas rivaliser avec les géants du numérique ».

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