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«Il est vraiment l’heure de changer le mode de rémunération des agences médias » par Bertrand Beaudichon, président de l’Udecam

«Il est vraiment l’heure de changer le mode de rémunération des agences médias » par Bertrand Beaudichon, président de l’Udecam

100%media : Les agences médias terminent une année très mouvementée semble-t-il ?

Bertrand Beaudichon : 2013 aura été effectivement une année très compliquée à bien des titres pour les agences médias. Les agences médias n’ont jamais eu autant besoin d’investir pour servir leurs propres clients, en particulier pour intégrer la data, qui représente un investissement humain et technologique très important. Or c’est exactement à ce moment-là que les annonceurs ont désinvesti assez massivement. S’est rajoutée à cela pendant la première moitié de l’année une déflation des principaux médias, qui est venue amplifier la baisse structurelle des investissements des annonceurs, provoquant ainsi un double effet à la baisse de la rémunération des agences, puisqu’une part encore extrêmement majoritaire de la rémunération est encore sous forme de commission, proportionnelle aux volumes.
Et troisième effet, on a passé cette année énormément de temps en compétitions. Il y eu un nombre absolument record de compétitions cette année – plus d’une centaine – et il y en a même à l’heure où l’on parle qui sont encore en cours, ayant démarré récemment, avec des conclusions devant avoir un effet pour janvier 2014. Sur les compétitions, je vois tout de même un élément nouveau : le nombre de changements d’agences que l’on a connu cette année. D’habitude, depuis trois ans les agences sortantes étaient reconduites dans plus de 70% des cas. Cette année, on est à un tout petit peu moins de 50%. Cela veut dire que ce sont sans doute plus que d’habitude des compétitions qui sont réelles et qui sont lancées pour de vrais besoins et de vraies remises en cause des organisations, des expertises, et de l’intégration entre branding, performance, et engagement. Et donc qu’il ne s’agissait pas simplement d’un besoin de baisser les rémunérations de l’agence sortante, de se faire un pur benchmark et d’améliorer les conditions d’achat. 
En même temps, parce que la plupart des compétitions se sont lancées alors que le marché des médias déflatait encore, les compétitions se sont conclues dans la plupart des cas avec une baisse sensible à la fois de la rémunération des agences et des prix médias promis pour 2014, alors que les enjeux initiaux se situaient sur l’organisation autour de la data, sur la définition de la stratégie de communication dans ce nouvel écosystème, sur la façon dont les agences médias sont capables de livrer une prestation complètement intégrée et avec une mesure totalement holistique. C’était là, l’enjeu principal de ces compétitions.
Il est vraiment temps d’ailleurs, puisque la motivation des compétitions sont les sujets stratégiques, qu’elles soient organisées de telle sorte à ce qu’on ait le temps pour réfléchir à cette stratégie. Ce n’est pas normal d’avoir des compétitions qui durent 3 ou 4 semaines, étant données les problématiques que nous avons à résoudre aujourd’hui. 
Et enfin, il faut que les agences soient rémunérées au moins dans la phase finale des compétitions, parce qu’il s’agit d’un investissement considérable, en temps, en intelligence et en coûts.
 
100%media : Comment optimiser la rémunération des agences médias et des appels d’offres ? 

BB : A l’heure où l’on va bientôt signer la charte pluri-syndicale rédigée avec l’UDA sur les bonnes pratiques en compétitions, il faut que le marché et les annonceurs réalisent qu’il est l’heure vraiment de changer le mode de rémunération des agences médias, en mettant fin au système de la commission. Ce qui ne veut pas dire forcément les payer plus, mais simplement payer tout ce qu’elles font – pas que de l’achat d’espace – non pas au pourcentage de ce qu’elles achètent mais en fonction de l’intelligence qu’elles délivrent.
Aujourd’hui, vraiment, on touche le fond du système de la commission pour rémunérer l’agence média. On demande des talents, de la réflexion et de l’intelligence, et on rémunère au pourcentage de ce qui est acheté, et qui baisse au fur et à mesure qu’on achète bien ou que le marché déflate. Ça n’a plus de sens. Il y a du coup beaucoup de débats en ce moment, pas très sains, autour de la rémunération des agences, parce que cette valeur conseil n’est pas encore totalement reflétée dans les rémunérations demandées, et je pense qu’il est l’heure qu’on se mette autour d’une table avec les annonceurs, que l’on définisse vraiment les tâches aujourd’hui que font systématiquement les agences médias, au-delà du seul achat d’espace, et qu’on discute des profils et des coûts engendrés pour les réaliser.  
Et la meilleure façon de les rémunérer, c’est sous la forme d’honoraires aux temps passés, comme un cabinet de conseil – parce que c’est ce que nous sommes devenus, vraiment – en complétant éventuellement ces honoraires par une rémunération variable, fonction des résultats. 
Il n’y a pas de raison objective pour que, quand un annonceur s’adresse à un cabinet de conseil pour ses sujets big data, celui-ci soit payé à des niveaux d’honoraires qui n’ont rien à voir avec les nôtres. C’est pourtant la même intelligence qu’on délivre sur ces sujets, avec des profils tout aussi pointus, en apportant en plus l’usage opérationnel et quotidien de ces systèmes. 
En cette période de vœux et de bonnes résolutions, c’est le vœu que je formule pour 2014, à l’heure où les agences médias membres de l'Udecam ont dépensé plus d’un tiers de leur résultat dans les compétitions. C’est autant de revenus que l’on n’a pas eu pour investir sur la data, sur les profils digitaux dont on a besoin pour servir les besoins de nos clients et toujours autant de temps qu’on a en moins pour servir nos clients ou développer nos outils.
Je voudrais qu’on déplace enfin le sujet, que la rémunération des agences médias ne soit pas corrélée, aussi fortement qu’aujourd’hui, à l’investissement net des annonceurs, reflétant uniquement notre activité d’achat d’espace. Tout ce qu’on a vu au Cristal Festival par exemple, c’est plus d’efficacité, plus de earned au final et moins d’investissements. La plupart des cas primés représentent de petits budgets médias et de grosses efficacités.
On voit bien là que cela n’a aucun sens de rémunérer toute cette intelligence-là, délivrant cette efficacité-là, uniquement en fonction des budgets dépensés.
Par ailleurs, les débats sur la rémunération se cristallisent beaucoup en ce moment autour des adexchanges. S’il y a un domaine sur lequel ça n’a aucun sens de nous rémunérer en pourcentage des volumes, c’est bien celui-là. On fait du conseil, on rajoute une valeur inestimable à l’espace que l’on achète pour délivrer une performance, devenant ainsi responsable d’une efficacité marketing. C’est le meilleur symbole de ce qu’une agence médias est en train de devenir. Ce n’est pas un hasard si c’est le sujet qui fait ressortir le débat de la reconnaissance de la valeur produite, entre achat et conseil. 
Nous sommes prêts à ouvrir des discussions sereines sur le sujet, et à faire preuve de toute la pédagogie du monde, pour peu qu’à la fin, on n’en ressorte pas avec un département achat qui va profiter de cette ouverture – ou d’un appel d’offre – pour diviser une rémunération par 2, là où l’on a besoin au moins qu’elle soit stable, pour pouvoir continuer à investir.
 
100%media : Le métier d’agence média est-il en danger ? 

BB : Non, je ne le pense pas. On n’a jamais eu autant besoin qu’aujourd’hui des agences médias. Certes, l’Udecam a le devoir de continuer à faire la pédagogie de ce que l’on est devenu, sur ce qu’on fait vraiment et avec quels moyens. Mais je pense en même temps que le conseil média n’a jamais été aussi stratégique qu’aujourd’hui pour les annonceurs, et qu’il doit être reconnu comme tel, et par tous les interlocuteurs chez l’annonceur, du département marketing au département achat.
Il n’y a qu’en agence médias que la véritable communication intégrée peut s’orchestrer ; il n’y a que là qu’il peut y avoir une synergie entre visibilité à long terme et performance à court terme ; il n’y a que là qu’on peut piloter un ROI ; il n’y a que là qu’on peut piloter le hors média et l’ensemble d’un écosystème où paid, owned et earned interagissent de façon mesurée, mesurable et efficace.
Donc, non, les agences médias ne sont pas en danger. Elles n’ont au contraire jamais été aussi indispensables et fortes qu’aujourd’hui. Alors ce n’est pas le moment de les payer moins.

Bertrand Beaudichon, président de l'Udecam

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