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Marie Renoir (Bureau de la Radio) : « Nous devons ouvrir le débat autour des recettes du numérique de Radio France »

Marie Renoir (Bureau de la Radio) : « Nous devons ouvrir le débat autour des recettes du numérique de Radio France »
Marie Renoir-Couteau préside la commission régie du Bureau de la Radio (Altice Media, NRJ Global, M6 Publicité, Lagardère News Publicité, TF1 Pub). Crédit : Capa Pictures – Lagardère News – Frédéric Bukajlo

Interview du lundi. Alors que la radio a perdu 1,2 millions d’auditeurs en un an, le marché publicitaire du média résiste bien et a même l’insolence de progresser lorsque celui du média TV a sévèrement chuté. Mais les stations privées dénoncent un environnement réglementaire trop contraignant et demandent des assouplissements, notamment autour des mentions dans les spots. Alors que le COM (Contrat d’Objectif et de Moyens) de Radio France est en cours de négociation, elles demandent le maintien du plafonnement de la publicité sur l’audiovisuel public, mais également une prise en compte des recettes liées à l’audio digital. Marie Renoir-Couteau, présidente de la commission régie du Bureau de la Radio et présidente de Lagardère News Publicité est l’invitée de The Media Leader.

The Media Leader : L’étude annuelle “L’année radio 2022 / 2023” par Médiamétrie montre que le média radio domine toujours l’écoute des contenus audio, malgré une érosion, et qu’elle séduit également les jeunes de moins de 35 ans : 53% des 13-24 ans l’écoutent. Avez-vous été étonnée par ce résultat ?

Marie Renoir-Couteau : Non, cela ne fait que confirmer l’ancrage très fort de la radio dans le quotidien des Français avec des missions très variées et complémentaires autour de l’information, du divertissement, du décryptage, de l’évasion, de la musique… avec un choix très éclectique et riche dans les propositions musicales, éditorialisé et sélectionné par des animateurs dont c’est l’expertise. La radio offre des programmes pour toutes les générations, toutes les sensibilités, et pour tous les goûts … A domicile, au travail, en mobilité, seul ou en écoute conjointe. La diversité des contextes d’écoute de la radio est une vraie force, avec toujours la capacité pour l’auditeur d’être actif, de faire quelque chose, tout en écoutant sa radio préférée…

2023 marque un nouveau record historique d’audience de la radio sur le numérique, avec chaque jour, 23% des auditeurs qui écoutent la radio sur un support digital. Cela a progressé de 40% en 5 ans et nous permet d’aller plus facilement à la rencontre des nouvelles générations qui peuvent facilement consommer la radio – et notamment les podcasts – sur leur smartphone.

Sur la saison 2022/2023, ce ne sont pas moins d’1,8 milliard de podcasts qui ont été téléchargés – et en grande majorité des podcasts issus des marques radios traditionnelles,

Sans compter les lives et les radios digitales thématiques des marques de radio qui représentent à elles seules 250 millions d’écoutes actives par mois.

Les investissements globaux sur le média dépassent ainsi le niveau d’avant la crise sanitaire (2019).

The Media Leader : Les derniers résultats du Bump montrent une bonne résistance du média radio sur le marché publicitaire alors que la télévision soufre. Comment l’expliquez-vous ?

M.R-C. : La radio est un média de confiance dont les annonceurs ne doutent pas des qualités : rapidité de mise en ondes, capacité à créer du trafic, construction de la notoriété des marques, pédagogie… Les qualités du média sont nombreuses et le marché ne s’y trompe pas.

Les revenus des radios augmentent de 2% sur les 9 premiers mois de l’année 2023 vs N-1 avec une bonne résistance du média radio et une croissance des investissements sur le digital des marques radio de +19%. Les investissements globaux sur le média dépassent ainsi le niveau d’avant la crise sanitaire (2019).

 En 2022, les grands secteurs partenaires du média restent la distribution (+3%), la banque / assurance (+11%) et les Services (+6%), et le retour de certains qui ont repris leurs investissements après la période Covid comme la culture (+22%) et le tourisme (+26%)

Sur janv-sept 23, l’impulsion vient toujours de la distribution (+16%) mais aussi de l’Automobile (+21%) qui est revenue en force après la période de crise industrielle qu’elle a traversée.

The Media Leader : Certains groupes de radio ont engagé une baisse du temps publicitaire sur les antennes. Cette initiative est-elle créatrice de valeur ou y-a-t-il un risque de destruction avec des annonceurs qui pourraient ne pas avoir accès aux inventaires des radios ?

M.R-C. : Je pense qu’il y a une intention commune de préserver nos environnements pour qu’ils restent très qualitatifs et cela passe par une bonne maîtrise du temps publicitaire. Après, c’est vraiment la politique de chaque éditeur. Nous avons un cadre qui est donné par le législateur qui fixe un temps maximum de publicité à ne pas dépasser et chaque entreprise est libre de l’adapter en fonction de son public, de son positionnement et de son équilibre économique (et tout cela peut être amené à évoluer).

Ce qui est commun à tous les membres du BDR c’est la prise de conscience de la préservation de notre environnement. Ce qui est tout à fait souhaitable pour préserver le confort d’écoute de nos publics et la qualité de nos programmes.

Les radios de Radio France bénéficient d’avantages très importants… notamment d’un droit de préemption dans l’accès aux fréquences, sans limite de couverture de la population, contrairement à nos radios.

The Media Leader : Le COM de Radio France actuellement en négociation prévoit un statu quo avec une stabilité des plafonds de la publicité sur les radios publiques. Est-ce une bonne décision ?

M.R-C. : Il est de notre devoir de se mobiliser dès lors que nos modèles sont soumis à des contraintes dans un écosystème où on observe des différences selon les acteurs.
Le rôle du BDR est clé, car il fédère la profession pour plaider à un meilleur encadrement des pratiques de Radio France de façon à ce que les évolutions du marché (qui sont tout à fait nécessaires à l’adaptation des nouvelles pratiques) soient faites en concertation.

Les radios de Radio France bénéficient d’avantages très importants… notamment d’un droit de préemption dans l’accès aux fréquences, sans limite de couverture de la population, contrairement à nos radios. Elles peuvent aussi modifier le format de leurs stations sans avis de l’Arcom et sans étude de l’impact sur le marché. Enfin, depuis le décret du 5 avril 2016 et l’accès à la publicité, la part de la radio publique sur le marché publicitaire n’a cessé de croître au détriment des radios privées. Donc oui, le plafonnement des revenus publicitaires des radios publiques est une bonne chose. Il faut désormais que nous puissions ouvrir le débat autour des recettes de l’audio digital et du numérique de Radio France.

The Media Leader : Etes-vous opposés au maintien de la publicité sur les antennes publiques ? (alors que le marché – notamment les annonceurs – estiment que ces antennes sont importantes dans leurs plans de communication)

M.R-C. : Nous sommes surtout pour une plus grande équité. Si les antennes publiques peuvent bénéficier des revenus liés à la publicité, elles doivent également être soumises aux mêmes règles et contraintes.

The Media Leader : En 2023, qui sont les concurrents de la radio sur le marché publicitaire ?

M.R-C. : Notre univers de concurrence s’est élargi à mesure que les usages se sont démultipliés au-delà des médias traditionnels, avec une offre de contenus devenue pléthorique et distribuée sur une multitude de canaux. Je n’oublie pas l’affichage qui est un acteur important de la publicité.

The Media Leader : L’univers réglementaire a peu évolué ces dernières années pour les radios. Où en êtes-vous de votre souhait d’alléger les mentions légales sur les spots publicitaires diffusés en radio ?

M.R-C. : L’empilement des mentions légales, sur des durées excédant parfois la moitié d’un message de 30 secondes, est aussi dissuasif pour les annonceurs que contre-productif sur le plan de l’efficacité à destination du consommateur. Au-delà de la question du coût du message publicitaire, dont la durée, compte tenu des mentions, n’est que partiellement consacrée au message de l’annonceur, une mention légale trop longue en radio peut vraiment pénaliser le message.

Le Président de l’Arcom a alerté par courrier en janvier 2023 les commissions culture de l’Assemblée Nationale et du Sénat, sur l’accumulation des mentions légales en radio, « qui peuvent représenter jusqu’à 50% de la durée d’un spot publicitaire de 30 secondes, et qui détourne les auditeurs de plus en plus sensibles à la surexposition publicitaire. » Le Conseil supérieur de l’audiovisuel avait également considéré, dans son avis n° 2020-011, que la spécificité du média radiophonique devait être prise en compte par le pouvoir réglementaire et le conduire à adapter en conséquence le régime de diffusion du message de mise en garde lu à la radio.

The Media Leader : Quelle est votre préconisation pour allier compétitivité et information des consommateurs ?

M.R-C. : Pour les médias radiophoniques, il est plus efficient de renvoyer l’auditeur vers un site internet ou une application mobile. Pour le consommateur, ces moyens de communication permettent de mieux prendre connaissance des informations tout en permettant de répondre à l’objectif des pouvoirs publics.

The Media Leader : Le Bureau de la Radio a été à l’origine de plusieurs études sur l’efficacité du média, souvent utilisé pour des objectifs de trafic par les annonceurs, un peu sur le branding. Ces études ont-elles permis de changer le regard des marques sur le média ?

M.R-C. : Oui car c’était une demande du marché d’avoir des éléments objectifs pour valoriser la radio dans un monde où la consommation des médias a beaucoup évolué.

Pour cela nous avions lancé avec Ekimetrics une étude sur le ROI de la radio, dont les résultats avaient montré que le média tenait vraiment une place de choix puisque, sur les 4 secteurs étudiés (Distribution, Produits de grande consommation, Automobile et Télécommunications), 1 euro investi en radio génèrait en moyenne 7,7 euros de chiffre d’affaires.

La deuxième étude sur l’efficacité drive-to-web a été menée en 2022 avec Nielsen-TVTY avec là aussi des résultats très satisfaisants, puisque communiquer en radio permet de générer en moyenne +43% de trafic web pour la marque.

Ces études ont permis de rassurer le marché sur l’efficacité du média, comme en témoigne la bonne santé publicitaire du média via le dernier BUMP.

Nous préparons d’ores et déjà 2024 avec le déploiement d’une autre étude, qui devrait être très complémentaire à ces 2 dernières et valoriser encore davantage l’audio digital dans son ensemble.

The Media Leader : quel bilan faîtes-vous de l’EAR de Médiamétrie ?

M.R-C. : Nous avons aujourd’hui deux types de mesure : notre mesure socle déclarative EAR National et le panel EAR Insights basé sur le développement de l’AIP (l’Audimétrie Individuelle Portée) qui mesure les comportements d’écoute de la Radio. Concernant EAR National : nous avons la mesure la plus robuste d’Europe, ce qui est très valorisant et rassurant.

100 000 interviews, c’est énorme ! Cet échantillon nous permet d’avoir des données fiables, précises et régulières. Sans cette étude nous ne pourrions pas restituer toutes les localisations géographiques et toutes les situations de vie.

Cet échantillon est indispensable pour mesurer un marché Radio avec un nombre pléthorique de stations (+900 stations) et rendre compte de la diversité et de la pluralité du paysage radiophonique français.

Cette mesure est le fruit d’un travail collectif associant Médiamétrie, éditeurs, régies, agences et annonceurs avec un double objectif clair : fiabilité et transparence.

L’audience de la radio s’appuie historiquement sur le complément de deux dispositifs : un pour mesurer la finesse de consommation récente sur un échantillon très large, un autre pour comprendre sa construction sur une période longue.

Le déclaratif nous permet d’avoir une robustesse et une précision qu’aucune autre mesure ne pourrait nous fournir et le panel AIP nous permet de restituer des sessions d’écoute et d’avoir une notion de couverture du média et de chaque station de façon plus fine (écoute linéaire ou délinéarisée etc…).

Bien entendu nous continuons d’avancer avec Médiamétrie pour une mesure toujours plus en phase avec l’évolution des usages.

Nous devons en effet collectivement réfléchir et travailler pour que les mesures d’audience collent le plus possible à la réalité de la consommation des contenus.

The Media Leader : Êtes-vous favorable à une mesure hybride tenant compte de l’ensemble des médias audios (podcast, plateformes de steaming…) ?

M.R-C. : L’enjeu actuel au sein du BDR est la meilleure prise en compte et valorisation de l’audio digital. Nous travaillons actuellement sur notre capacité à mieux mesurer l’incrémental de l’audio digital. Nous sommes en discussions très régulières avec Médiamétrie, dont la mesure a déjà beaucoup évolué avec le panel automatique EAR Insights, aboutissement d’un travail colossal.

The Media Leader : Doit-on aller vers une mesure cross média (tous médias) ?

M.R-C. : Nous devons en effet collectivement réfléchir et travailler pour que les mesures d’audience collent le plus possible à la réalité de la consommation des contenus, quelle que soit leur distribution. C’est important pour les annonceurs et les agences mais également pour les médias, qui doivent pouvoir mesurer leur surface d’expression plus précisément.

Ce sujet est très structurant, très important et très difficile car très technique. Une partie du MIX (évènement organisé par Médiamétrie) vendredi dernier était justement consacré à ce sujet. La volonté collective est là, les objectifs doivent être redéfinis pour engager les discussions dans une direction commune et permettre d’avoir une approche plus horizontale des audiences et plus alignée avec la réalité de la consommation média des Français.

The Media Leader : L’attention est un métrique qui devient essentiel sur le marché publicitaire. Quelles sont vos initiatives ?

M.R-C. : L’attention est le grand questionnement actuel pour tout le marché publicitaire, média, agences et annonceurs…. Une thématique qui semble réunir la profession ! la volonté est là, charge à nous désormais de définir précisément ce que l’on entend par attention et comment cela peut devenir un KPI objectif…

Média reconnu pour ses qualités de mémorisation et sa capacité à véhiculer de l’émotion, la radio dispose d’ores et déjà de guidelines éprouvées autour des bonnes pratiques en termes de création, d’emplacement, de médiaplanning. Ces éléments sont d’ailleurs à disposition du marché pour maximiser l’émergence des messages publicitaires. Cela ne nous empêche pas pour autant de réfléchir au sein du BDR à cette notion, pour la circonscrire davantage et l’explorer, Nous participons aux travaux du CESP et de l’IREP sur l’attention, c’est passionnant, tant dans une démarche éditoriale que dans une démarche publicitaire.

Le Bureau de la Radio est heureux de partager son prochain grand rendez-vous, qui fera la part belle à l’émotion générée grâce à l’audio, le 29 novembre avec l’intervention de Philippe Fournier, Fondateur de l’Orchestre Symphonique Confluences et chef d’orchestre.

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