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Rachat d’Altice Media par Rodolphe Saadé : un vent nouveau dans les médias

Rachat d’Altice Media par Rodolphe Saadé : un vent nouveau dans les médias
Après La Provence et La Tribune, Rodolphe Saadé, patron de CMA CGM entre dans la cour des grands, s'offre la première chaîne d'information de France. BORIS HORVATAFP

L’information, tombée vendredi matin, a fait l’effet d’une bombe : l’armateur CMA CGM de Rodolphe Saadé va racheter Altice Media, qui comprend BFMTV et RMC, à Patrick Drahi, dont le groupe est lourdement endetté. Avec 1,55 milliard d’euros, le montant réglé indique la hauteur des ambitions de l’homme d’affaires marseillais. Mais le chemin est semé d’embuches alors que l’Arcom vient de lancer l’appel à candidatures pour les fréquences TNT dont celle de BFMTV.

Cette annonce a pris tout le monde par surprise car Altice avait plusieurs fois démenti les rumeurs de vente de sa branche médias, récurrentes ces derniers mois.

Elle fait franchir une marche à Rodolphe Saadé et CMA CGM, qui bâtissent un empire médiatique, logé sous la marque WhyNot Media, alors qu’ils n’ont mis le pied dans le secteur qu’en 2022.

Enrichi par la désorganisation des chaînes logistiques provoquée par la pandémie de Covid-19, le puissant armateur a repris La Provence à Marseille, ville siège de CMA CGM. Mais également La Tribune avant de lancer La Tribune Dimanche en format print. Il détient aussi des participations dans M6 et Brut.

La transaction, 1,55 milliard d’euros en numéraire, « devrait être finalisée au cours de l’été », selon Altice.

CMA CGM prendra 80% d’Altice Media, les 20% restants allant à la holding familial, Merit France.

Le désendentement : priorité de Patrick Drahi

Pour se désendetter, le groupe de Patrick Drahi a commencé à vendre des actifs pour alléger sa dette colossale, estimée à près de 60 milliards d’euros. Il conserve ses autres activités, SFR et de plus petites entreprises dans les technologies et télécoms.

De son côté, Rodolphe Saadé reprend un groupe de médias très rentables. Selon une note interne que The Media Leader a pu consulter, le groupe a réalisé 362 millions de revenus pour une rentabilité (EBITDA) de 112 millions d’euros.

Dans une interview à The Media Leader publiée ce lundi, Raphaël Porte, DG de la régie publicitaire explique que « RMC en radio, comme RMC Story, Découverte ou BFMTV continuent à croître. Mais les croissances plus importantes et à deux chiffres se réalisent sur le digital et non sur du broadcast ».

Lors de la cession par le fondateur Alain Weill, le pôle média, appelé NextRadioTV, était valorisé 600 millions d’euros pour 195 millions de chiffres d’affaires et 40 millions d’EBITDA. Patrick Drahi réalise donc une plus value multipliée par 3. Sur X, Alain Weill a félicité Rodolphe Saadé après cette année.

Pour les syndicats CGT et SNJ (Syndicat national des journalistes) d’Altice Media, « beaucoup de questions restent en suspens en attendant un CSE (comité social et économique, NDLR) extraordinaire la semaine prochaine en présence du futur actionnaire ».

Ils exigent « des engagements très fermes », notamment sur « le maintien des effectifs » et « le respect des termes d’une clause de cession ».

« On espère que la liberté éditoriale et les moyens de la rédaction resteront a minima les mêmes, voire s’amélioreront », a pour sa part déclaré François Pitrel, membre de la Société des journalistes (SDJ) de BFMTV.

Dirigée par Marc-Olivier Fogiel, dont le départ est régulièrement évoqué, la chaîne est leader de l’information continue en France, talonnée par CNews. Outre cette rivalité d’audience, BFMTV vit une période agitée après le départ de Bruce Toussaint et l’échec de l’émission de Laurent Ruquier.

L’audience numérique de BFMTV est classée dans le top 10 des sites d’informations en France, selon l’ACPM.

Pour sa part, RMC, qui est très axée sur le sport, est la troisième radio de France et première radio privée sur l’audio digital.

Fréquences TNT

La vente de BFMTV intervient alors que de nombreuses fréquences de la télévision numérique terrestre (TNT), dont la sienne, seront renouvelées en 2025 auprès du régulateur des médias, l’Arcom.

Or, en vertu de la loi, Altice n’aurait pas le droit de vendre la chaîne dans les cinq ans suivant le renouvellement de son autorisation de fréquence.

Le sujet sera au menu de la commission d’enquête sur l’attribution des fréquences TNT à l’Assemblée nationale, son président Quentin Bataillon (Renaissance) ayant annoncé sur X « convoquer prochainement les représentants de CMA CGM ».

Selon certaines sources, en attendant une validation de l’Autorité de la Concurrence, qui ne devrait pas poser de problèmes, l’Arcom pourrait demander deux dépôts de dossiers pour chacun l’actionnaire entrant (CMA CGM) et sortant (Altice)

Selon un message interne du PDG d’Altice France, Arthur Dreyfuss, le « management » d’Altice Media restera en place après le rachat.

Altice est ébranlé depuis plusieurs mois par un scandale de corruption qui implique Armando Pereira, dirigeant de la filiale portugaise et cofondateur du groupe.

Mis en examen au Portugal, il conteste les accusations. Une enquête a été ouverte en France en septembre par le parquet national financier.

Début août, dans une rare prise de parole, M. Drahi s’était dit « trahi et trompé par un petit groupe d’individus ».

(Avec AFP)

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