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La publicité ciblée peut et doit se réinventer par Arnaud Marro, Head of Digital Media – Artefact France

La publicité ciblée peut et doit se réinventer par Arnaud Marro, Head of Digital Media – Artefact France
Le marketing digital a montré certaines de ses limites, sous la pression des internautes et du législateur, les marques doivent faire évoluer leurs KPIs. La publicité ciblée n’a rien de nouveau. Ces dernières années, les annonceurs se sont rués dessus et ont su tirer profit des gains de performance offerts par le marketing digital data-driven. Les marques ont cherché à cibler les consommateurs en ligne en fonction de leurs comportements, leurs intérêts et leurs intentions.
Du fait des évolutions réglementaires, technologiques et sociétales, il est temps d’envisager une autre manière, plus vertueuse, durable et respectueuse, de cibler les consommateurs.
La promesse initiale de la publicité en ligne était de permettre aux annonceurs de savoir précisément qui était exposé à leurs annonces publicitaires et ainsi de mieux dépenser leur budget.
Au cours de multiples itérations technologiques, la publicité en ligne a évolué pour devenir un monstre d’efficacité, les annonceurs étant capables de définir précisément leurs cibles et d’affiner leur budget de façon granulaire dans le but d’optimiser leur retour sur investissement.
Mais à chercher la performance à tout prix, les marques ont perdu de vue certains fondements du marketing.
Les publicités dites de retargeting sont jugées efficaces mais elles sont malheureusement trop souvent utilisées à mauvais escient par les marketeurs. Se voir proposer des produits qui nous intéressent puisqu’on a consulté leurs fiches ou celles de produits de la même catégorie sur un site ecommerce est certainement pertinent. En revanche, cette pratique est trop souvent réalisée de manière peu subtile graphiquement, avec des fréquences d’exposition trop élevées et ne prend souvent pas en compte le fait que l’internaute a peut-être déjà acheté le produit par un autre canal ou chez un concurrent.
Malgré sa réputation de format intrusif, le retargeting est toujours mis en avant pour son efficacité. Mais les consommateurs y sont-ils réellement réceptifs ? Certaines marques oublient la première règle de la publicité : à qui est-elle utile ?
A voir la popularité des adblockers et des offres sur abonnements, il semblerait que de nombreux internautes la juge plutôt intempestive et de faible qualité.
Pourquoi ? Parce que l’utilité se pose souvent du côté de la marque plutôt que de celui du consommateur. A titre d’exemple, lorsque les annonceurs diffusent des publicités de retargeting directement au sein des flux d’actualités sur Instagram, ils partent du principe que l’intention d’achat est imminente. Ce qui n’est quasiment jamais le cas, avouons-le.
C’est là le véritable problème : les annonceurs évaluent ce format uniquement à travers le taux de conversion, de près d’1%. Ils y trouvent un retour sur investissement avantageux, indicateur de plus en plus aisé à évaluer grâce à la constante amélioration des modèles d’attribution.
Pourtant, ils oublient que 99% des internautes ne seront pas influencés par cette publicité pour convertir, a contrario leur réaction ira de l’indifférence au profond rejet. Les indicateurs de mesure vont se concentrer sur l’infime partie du spectre qui aura vécu cette interaction positivement, tout en ignorant l’immense majorité qui l’aura vu d’un autre œil. Pour ces internautes insatisfaits ou indifférents, rien n’apparaît sur les rapports de reach et de ventes.
La réglementation est venue contraindre notre industrie avec des décisions en faveur de la protection des données personnelles du consommateur ce qui mènera et mène déjà à revoir le principe de mesure et la fiabilité des indicateurs de performance. De la même manière, ces évolutions incitent les annonceurs à réévaluer la manière dont ils communiquent en ligne.
Il est crucial que les marques prennent conscience que la qualité des créations publicitaires et l’intérêt de leur contenu sont les critères prédominants dans la performance d’une campagne. Elles ont trop longtemps négligé cet aspect pour se concentrer uniquement sur les fonctionnalités de personnalisation, notamment via des outils de DCO (Dynamic Creative Optimisation).
 
Sous le prisme de l’utilité
Dans ce contexte, l’alternative au ciblage data-driven est … la publicité non ciblée. Mais si les internautes semblent détester les publicités de retargeting intrusives, ils détestent tout autant les annonces non pertinentes.
Face à ce double rejet de la publicité ciblée ou non, est-il utile de proposer à un internaute une publicité ciblée contenant des produits à acheter ? Qu’en est-il des contenus publicitaires enrichissants, utiles, éducatifs ou générateurs d’émotions pour les cibles ?
Les niveaux d’engagements montrent clairement que les internautes sont bien plus réceptifs à des contenus publicitaires non-marchands qui sont certes portés par les marques mais dont les messages sont interprétés positivement et par conséquent mieux mémorisés. En conséquence, l’industrie publicitaire a tout intérêt à recourir à des indicateurs de réussite moins agressifs. L’impact sur la notoriété et l’intention d’achat peut être une alternative aux indicateurs purement commerciaux.
Dans le cas de contenus non-marchands, la publicité ciblée fait office de déclencheur d’intérêt ou de rappel moins intrusif tout en travaillant sur un objectif de vente moins perceptible mais tout aussi présent. Mesurer l’impact de ces campagnes plus responsables est, par ailleurs, facilité aujourd’hui par des solutions basées sur des sondages pour mesurer le sentiment, la notoriété et l’intention d’achat. De la même manière, des solutions de mesure de l’incrémentalité sont de plus en plus plébiscitées car permettant de mesurer l’impact publicitaire sur la perception d’une marque, tout en évitant la surconcentration des décisions sur des objectifs trop profonds, trop granulaires et peu représentatifs des volumes d’audiences atteints.
Plutôt que de se focaliser sur une éventuelle transaction, il serait important de tester comment les emplacements et les messages peuvent impacter la perception des utilisateurs exposés, pour ainsi se centrer moins fortement sur l’impact qu’ont les publicités ciblées auprès d’un volume restreint d’internautes convertis.
Depuis le 1er avril, les consommateurs se voient offrir la possibilité de refuser systématiquement les cookies sur les sites qu’ils visitent, ne laissant ainsi aucune trace de leur navigation. Même s’il s’agit d’un changement récent, cela va pousser les annonceurs à se tourner vers des solutions alternatives à l’utilisation à la fois massive et trop granulaire des données.
En définitive, bien que la publicité ciblée évolue vers une personnalisation accrue, les acteurs de l’industrie doivent se repositionner vers deux principes. Le premier est la prise en compte de la réaction des internautes exposés au message. Le second est de comprendre comment les publicités modifient la perception de la marque dans une logique de stimulation des ventes. Une fois cela établi et répandu, l’industrie proposera un meilleur environnement aux 99% d’internautes indifférents ou réfractaires.
Par ailleurs, il est bon de rappeler que pour les annonceurs comme pour les consommateurs, une publicité de qualité et bien ciblée est meilleure qu’une publicité non ciblée. Le défi étant de faire en sorte de ne pas surexposer les audiences, de bien sélectionner les messages et de faire preuve de bon sens.
Comme l’a énoncé le célèbre analyste américain Benedict Evans : «People want perfect privacy and perfect ads».
 
Arnaud Marro, Head of Digital Media – Artefact France
 

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