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Privatisation de l’audiovisuel public, les difficultés et conséquences

Privatisation de l’audiovisuel public, les difficultés et conséquences
L'actuelle ministre de la Culture, Rachida Dati, souhaite le fusionner, mais son plan a été mis entre parenthèses par la dissolution de l'Assemblée nationale.

La privatisation de l’audiovisuel public est une mesure prévue par le RN s’il arrive au pouvoir après les législatives. Encore flou, ce projet est techniquement réalisable mais se heurterait à des difficultés d’application, réglementaires et économiques.

Que prévoit le RN ?

La privatisation de l’audiovisuel public était l’une des mesures portées par Marine Le Pen à la présidentielle de 2022. Cette « ambition reste d’actualité » en cas de victoire aux législatives, a assuré le président du RN, Jordan Bardella. L’objectif est de « faire des économies », le financement de l’audiovisuel public par l’Etat se montant à 4 milliards d’euros en 2024. Autre reproche, « l’audiovisuel public ne répond plus aux critères de neutralité » et penche à gauche, accuse le vice-président du RN, Sébastien Chenu.

France 24, RFI, TV5 Monde et Arte ne seraient pas concernées

L’audiovisuel public comprend France Télévisions, Radio France, France Médias Monde (France 24 et RFI, tournées vers l’international), l’Ina (Institut national de l’audiovisuel) et deux entreprises au statut interétatique particulier, TV5 Monde et Arte. Mais le périmètre de la privatisation envisagée par le RN reste flou.

Selon son porte-parole, l’ancien journaliste Philippe Ballard, France 24, RFI, TV5 Monde et Arte ne seraient pas concernées. De même, le RN souhaite que le réseau de radios locales France Bleu et la chaîne info franceinfo restent publiques, a affirmé sur France Bleu Picardie Damien Toumi, candidat dans la Somme. « Ce ne sera pas fait à la hâche », a promis M. Ballard sur franceinfo, en voulant « rassurer » les salariés du public.

Quel délai, quelle procédure ?

« Évidemment, ça ne se fait pas en 24 heures », a concédé M. Bardella. Lancer un tel projet n’est guère envisageable « avant le premier trimestre 2025 », estime le constitutionnaliste Didier Maus, car la nouvelle Assemblée aura d’autres textes plus urgents à voter, comme le budget.
Concrètement, la privatisation passerait par une loi. « On sait comment faire, on a l’expérience de la loi de 1987 qui a permis de privatiser TF1 », rappelle M. Maus.

Selon lui, la Constitution n’empêche pas une privatisation, car elle ne fixe « pas d’obligation de garder l’audiovisuel dans le secteur public ». Mais « il n’y a pas que la Constitution elle-même, il y a ce qu’elle dit sur la liberté d’expression et de communication »  nuance-t-il. Depuis sa révision en 2008, le texte stipule que « la loi garantit les expressions pluralistes des opinions et la participation équitable des partis » à la « vie démocratique » du pays. Ce point pourrait être un obstacle à une privatisation large.

Autre difficulté selon M. Maus: « la règlementation européenne », qui « interdit de réduire le service public à la portion congrue ». Là encore, « tout dépend du périmètre » de la privatisation.

Quelles conséquences ?

Une privatisation implique de trouver des acheteurs. Pour France Télévisions, « la demande pourrait être plus faible qu’attendu et décourager une privatisation totale », avance Jérôme Bodin, expert au sein du groupe financier Oddo BHF, dans une note d’analyse. En effet, les chaînes emploient des « effectifs importants » et seraient « difficiles à restructurer ».

Cela pourrait également poser des problèmes de concurrence et de position dominante. Selon M. Bodin, des groupes comme CMA CGM et Iliad, de Rodolphe Saadé et Xavier Niel, « pourraient être intéressés », mais pas à « des prix déraisonnables ».

« Rien n’empêcherait » TF1 et M6 de « racheter tout ou partie de France 2 et France 3 », a quant à lui suggéré Philippe Ballard.

Autre paramètre : la privatisation « reviendrait à fortement accroître la concurrence sur le marché publicitaire, incapable d’absorber l’arrivée d’un ou plusieurs nouveaux acteurs », selon M. Bodin.

Quelles réactions ?

Sans surprise, ce projet suscite une forte opposition au sein de l’audiovisuel public. Ce dernier « est en danger de mort », clame la CGT de France Télévisions. « On va se battre », a lancé la directrice de France Inter, Adèle Van Reeth, dans l’émission Quotidien.
Une quarantaine d’organisations du secteur de la création (producteurs, réalisateurs, etc.) a dénoncé, dans une tribune commune, un « projet dangereux ». Elles font valoir que le service public finance nombre de leurs œuvres.

Avant même l’annonce des législatives, l’audiovisuel public faisait face à des incertitudes. L’actuelle ministre de la Culture, Rachida Dati, souhaite le fusionner, mais son plan a été mis entre parenthèses par la dissolution de l’Assemblée nationale.

Au-delà du statut, le secteur s’inquiète surtout pour son financement : le mécanisme transitoire qui compense depuis 2022 la suppression de la redevance arrive à échéance fin 2024 et n’a toujours pas été remplacé.

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