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Comment le piratage des retransmissions sportives gangrène le modèle économique des chaines TV

Comment le piratage des retransmissions sportives gangrène le modèle économique des chaines TV
95 % du piratage à la télévision se fait via des boitiers IP TV.

Les Rencontres Annuelles de l’Acces (Association des chaînes thématiques) ont abordé le sujet du piratage des retransmissions. Malgré les actions de blocages lancées par l’Arcom, le streaming illégal continue de mettre à mal le modèle économique de la filière sportive.

« Le premier concurrent du groupe Canal+, c’est le piratage ! ». Cette phrase prêtée à Maxime Saada, patron du groupe audiovisuel, résume à elle seule le préjudice subi par les chaînes de télévision face au fléau du piratage des retransmissions sportives. « Les soirs de matchs, il suffit d’aller sur Google pour voir la facilité d’accès à ces contenus illégaux » rappelle Philippe Bailly, fondateur de NPA Conseil à l’origine d’un rapport sur le sujet. On y apprend que 5,1% la part de la population française utilise des boitiers IP TV illégaux, vendus sur Amazon, qui eux-mêmes représentent 95% du piratage à la télévision.

500 millions d’euros de perte pour les chaînes

Les chiffres sont assez parlants : ce visionnage illégal, essentiellement, entrainerait près d’1 milliard d’euros de perte par an pour la filière sport et 500 millions d’euros pour les chaînes de télévision. A tel point que celles-ci ont créé avec les ligues sportives, dès 2018, l’Association des protections des programmes de sport (APPS) pour porter le sujet auprès du législateur. « Combattre le piratage c’est le meilleur moyen de gagner de l’argent pour les chaînes » souligne Xavier Spender, président de l’association qui regroupe les chaînes payantes, mais plus récemment les chaînes gratuites comme le groupe TF1 ou France Télévisions, qui constatent elles-mêmes un préjudice important à l’heure où elles investissent de leurs propres plateformes de streaming gratuites, financées par la publicité.

835 sites bloqués en neuf mois

Dans un rapport sur « l’impact du blocage des services illicites de sport » publié en octobre 2022, l’Arcom établissait un bilan encourageant des premiers mois d’application de la loi Bachelot d’octobre 2021. Celle-ci initiée par l’ancien ministre des Sports permet le blocage des services retransmettant de façon illégale des compétitions sportives. « Sur la période de janvier à septembre 2022, l’Arcom a reçu 51 saisines portant sur 9 compétitions sportives, pour un total de 481 noms de domaine notifiés par l’Arcom aux fournisseurs d’accès à internet en vue d’une mesure de blocage, y notait l’Autorité. Ajoutés aux services bloqués en exécution des décisions judiciaires initiales, ce sont 835 sites illicites qui avaient alors été bloqués » en neuf mois. Une goutte d’eau…

Prolongeant cette première analyse, l’Autorité estimait au printemps que la base de données fournies par Médiamétrie que « le blocage des sites initiaux a permis de diminuer l’audience des galaxies visées de 23% entre octobre 2022 et mars 2023 ».

Le piratage en hausse de 30%

Pourtant, le diagnostic établi par l’Observatoire européen des atteintes aux droits de propriété intellectuelle de l’EUIPO dans l’édition 2023 de son étude sur les « Atteintes en ligne au droit d’auteur dans l’UE » publiée mi-septembre, ne confirme pas pour autant le recul des pratiques. Dans l’ensemble de l’Union, le piratage d’événements sportifs en direct n’a cessé d’augmenter, passant d’une moyenne de 0,42 accès par utilisateur et par mois en 2021 à 0,55 accès en 2022, soit une augmentation de +30% en un an, écrit le rapport de NPA Conseil. Alors qu’elle se situait à un niveau inférieur en 2021, la France a sensiblement dépassé en 2022 la moyenne européenne.

Pas de délit de piratage sur le sport

L’APPS demande donc au législateur d’aller plus loin dans l’arsenal juridique. « Le délit de piratage d’une retransmission sportive n’existe pas, car ce n’est pas une œuvre. On peut bloquer, mais pas poursuivre, le cadre réglementaire doit évoluer » demande le président de l’association Xavier Spender. Il faut dire que la procédure de blocage est très laborieuse : chaque éditeur qui constate un piratage envoie une notification à l’Arcom qui elle-même s’adresse au FAI pour bloquer le site illégal. « Nous sommes en train de travailler sur une automatisation » explique-t-il rappelant qu’au Royaume-Uni, le système mise en place permet de bloquer les flux illicites toutes les 5 minutes. « C’est une vraie perte de confort pour le spectateur qui se retrouve encouragé à souscrire à une offre payante ».

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