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Florence Destang et Marc Freschi (Arena Media) : « Nous devons briser les codes et faire preuve d’audace »

Florence Destang et Marc Freschi (Arena Media) : « Nous devons briser les codes et faire preuve d’audace »
Arrivés cette année à la tête d'Arena Media (Havas), Florence Destang et Marc Freschi affichent de nouvelles ambitions pour l'agence.

Interview du lundi. La fin des cookies tiers, la montée de l’audio digital et la multiplication des prises de paroles en 2024, interrogent les agences médias. Comment se démarquer en sein d’un groupe d’agences médias ? Comment faire émerger son discours et réussir à innover en 2024 ? Florence Destang et Marc Freschi, dirigeants d’Arena Media sont les invités de The Media Leader. L’agence d’Havas Media Network dévoile son nouveau logo.

The Media Leader : Florence Destang, vous êtes arrivée chez Arena Media en tant que CEO de l’agence en janvier 2023. Marc Freschi, vous êtes arrivé à la direction générale en septembre. Vous annoncez la refonte de l’identité visuelle de l’agence et son positionnement de marque pour refléter les ambitions de sa nouvelle direction. Quelles sont ces ambitions ?

Le nouveau logo d’Arena Media

Florence Destang : J’ai rejoint Arena en janvier après 23 ans chez Havas, dans le but de faire d’Arena Media une agence de destination. L’objectif est de lui donner une proposition de valeur avec un positionnement spécifique. Il n’est pas simple d’avoir un positionnement différenciant. L’objectif premier est de changer l’identité visuelle de l’agence, de devenir plus audacieux et un laboratoire d’expérimentation. Vu la transformation qui s’opère dans nos métiers, nous devons aider nos clients à y voir plus clair. Tester les idées, les points de vue et les prises de position très marquées.

Trois mots clés nous définissent : l’humain, via les nouveaux modes managériaux, l’audace et l’impact, à la fois dans le business et sur nos talents. Il faut intéresser les jeunes, leur donner des opportunités dans leurs métiers. Plus de 50% de nos équipes ont moins de 30 ans. La question aujourd’ui est comment pouvons-nous leur créer des trajectoires et les fidéliser ? Nous testons de nouvelles formes de management, de workshop, etc.

Marc Freschi : Par l’innovation et le storytelling, qui a maintenant irrigué tout le réseau Havas. Pour 2024, nous devons briser les codes, nous tourner vers le futur et faire preuve d’audace.

The Media Leader : Comment cela se traduit concrètement, auprès de vos clients actuels et sur les pitchs ?

M.F : Il faut l’incarner. Nous sommes en train de le faire via une nouvelle étude propriétaire sur les Prosumers. C’est une étude prospective sur les tendances et la consommation médias sur 18/24 mois. Nous travaillons avec un institut d’études pour y ajouter une surcouche d’IA. Cela va nous permettre de nous projeter dans l’avenir.

Historiquement, nous regardions TGI, qui est un reflet du passé. Nous voulons faire l’inverse. Nous avons audité nos clients et nos équipes en interne. L’étude est née de ce processus. Nous voulons faire de cette étude l’équivalent de Meaningful Brands d’Havas Media. Elle sera également un outil de travail en interne. Nous la commercialisons sous la forme d’Arena+, qui intégrera systématiquement de l’innovation et de la créativité.

F.D : Nous ne voulons pas être uniquement dans le déclaratif, nous voulons être dans l’action, d’où cette étude. Nous avons des clients portés sur l’innovation. Les clients ont besoin d’être rassurés. Cette étude va nous aider à leur faire franchir des étapes dans leur réflexion.

Pour 2024, nous devons briser les codes, nous tourner vers le futur et faire preuve d’audace.

Marc Freschi

The Media Leader : Arena Media occupe la 11e place du classement COMvergence new business du Q1-Q3 2023, derrière quatre agences indépendantes. Cela interroge-t-il le modèle d’Arena Media, rattaché à Havas ?

M.F : L’objectif est d’accélérer, de consolider notre base clients, de ne plus être la petite sœur d’Havas Media et de booster le new biz. Nous sommes une agence open source, nous nous adaptons en fonction des nécessités.

F.D : En complément, nous allons miser sur nos expertises spécifiques. L’entertainment et la santé avec Havas Health Media qui combine Havas Health et Arena Media. Nous allons pouvoir mettre à profit cette expertise dès cette année. À la fois sur l’entertainment et la santé, cela nous apportera de nouvelles opportunités.

The Media Leader : Comment Arena Media s’intègre-t-elle à l’offre d’Havas Media Network ? Comment sont réalisés les arbitrages de pitchs entre les agences ?

M.F : Le fonctionnement est assez clair et permet d’arbitrer. Nous avons un comité qui se réunit toutes les semaines pour décider de l’agence qui monte sur certains pitchs. L’objectif est de clarifier le positionnement face à Havas en élargissant le scope niveau groupe.

F.D : Effectivement, nous avons un comité new biz qui permet d’arbitrer en fonction des spécificités des équipes et du temps disponible. Dans un pitch, il faut activer les bons profils pour y répondre, et selon les secteurs que l’on a envie de développer. Il ne faut pas oublier qu’il y a des pitchs entrants et des pitchs sur lesquels nous montons. Nous décidons également en fonction des demandes clients, certains souhaitent travailler avec un gros groupe, d’autres préfère l’agilité de plus petites agences.

The Media Leader : Quels ont été vos derniers gains ? Quel est votre plus gros compte ?

F.D : Nous accompagnons la Caisse des dépôts, le Puy du Fou et Optic 2000.

Le groupe Crédit Mutuel, SFR, Savencia et Carrefour sont nos plus gros clients.

Nous avons un enjeu planning sur le retail, et la radio est incontournable.

Florence Destang

The Media Leader : Les annonceurs se saisissent de plus en plus de l’audio. L’audio fait-il partie de vos stratégies à venir ?

F.D : Nous avons deux très gros clients sur l’audio chez Arena Media : SFR et Carrefour avec lesquels nous développons beaucoup l’audio qui de par son agilité permet d’ajuster les variables à très court terme. Malgré un encombrement accru, les invests ne cessent de s’y développer. L’audio digital est un levier qui doit être préempté pour une couverture additionnelle.

M.F : C’est un exemple de ce qui pourrait accélérer avec notre étude. Nous verrons à quel niveau cet audio a du potentiel, comme ses cousines, les podcasts, etc. Nous serons plus pertinents dans nos réponses, en pouvant y piocher de la couverture incrémentale. L’idée est d’avoir des stratégies différenciées et plus audacieuses, avec de l’impact, notamment dans la mesure.

On utilise des partenariats, comme Yougov, on cherche aussi des stratégies émergentes, comme l’attention, le brand list, des panels plurimédias. On expérimente sur des technologies un peu plus nouvelles.

The Media Leader : Quid du retail media, tout aussi en vogue ?

M.F : Ce n’est pas quelque chose que l’on découvre, nous le travaillons depuis plusieurs années. Ça s’accélère, mais cela fait partie de notre côté open source. Nous avons Havas Market sur qui nous pouvons nous appuyer. Cela nous permet d’avoir une vision 360.

The Media Leader : L’attention est encore de tous les discours. Peut-on encore être créatif en média pour capter cette attention ?

M.F : Plus que jamais ! Nous travaillons en intelligence pour comprendre les problématiques de l’annonceur et trouver la bonne allocation budgétaire. Il faut sélectionner le bon environnement et la bonne audience. Nous devons être plus créatif, comme avec le cas Caprice des Dieux. On exploite de nouveaux territoires pour atteindre de nouvelles cibles.

The Media Leader : Quelle est la stratégie d’Arena Media à l’approche des JO 2024 ? 

M.F : Nous allons connaître une période favorable pour les médias. Période d’autant plus importante en termes de publicité. La question maintenant est comment capter l’attention en cette période. Il va falloir réussir à émerger et la réflexion se fait au cas par cas. On ne peut pas désinvestir complètement après les JO. Le mois de décembre, par exemple, sera clé. Il faut se rapprocher de la business science pour faire les bons choix, c’est le cœur de notre modèle.

F.D : Nous accompagnons Carrefour, partenaire premium, qui se questionne notamment sur l’après JO. Aujourd’hui, ils ont le gros enjeu de la bataille des prix et de l’inflation, demain, la question est de savoir comment mixer cette stratégie à l’aune des JO et de la bataille des parts de marché.

Apprendre à faire de la publicité sans données personnelles est devenu une priorité.

Florence Destang

The Media Leader : Comment allez-vous accompagner vos clients pour la fin des cookies tiers ?

F.D : En réalité, nous n’avons pas attendu la fin des cookies tiers sur Chrome pour prendre ce sujet en compte, car les impacts des politiques de privacy d’Apple sur iOS avaient déjà commencé à préfigurer ces changements depuis longue date.

Pour nous, il s’agit donc de ne pas voir la fin des cookies tiers comme une fin en soi mais plutôt comme une opportunité de tester de nouvelles choses et de voir émerger de nouvelles façons de faire. Pour cela, nous avons mené de nombreux tests afin de vérifier l’impact cookie tiers vs cookieless… et dans de nombreux cas nous avons su générer plus de résultats.

Nous estimons que le contextuel est une manière élégante de répondre aux revendications d’une meilleure protection de la vie privée. Apprendre à faire de la publicité sans données personnelles est devenu une priorité, dans une démarche de responsabilité, autant que par anticipation de la dégradation des conditions d’accès aux données.

M.F : Par ailleurs notre plateforme data, Converged, a été pensée cookieless by design.
Nous avons développé un procédé unique de matching des données (l’attribut match) de nos panels (Yougov) avec les données d’activations que nous retrouvons dans les DSP ou encore sur les plateformes sociales.

Concrètement, nous avons accès à la data au niveau des répondants du panel Yougov et nous pouvons ensuite au moyen de l’IA reconstruire ces segments en ne sélectionnant que les données les plus pertinentes.

Cela nous permet d’assurer la plus grande fidélité des audiences entre les phases de planning strat / intelligence et l’activation, ce qui est souvent le gros point faible dans les stratégies traditionnelles (qui utilisent l’ID match et perdent 50-60% des personnes ou le lookalike qui est souvent une blackbox pour les annonceurs).

Notre enjeu consiste à multiplier les partenariats data pertinents et efficients avec des acteurs globaux comme français.

The Media Leader : Comment voyez-vous les évolutions du marché publicitaire à l’heure de l’érosion du média TV ?

F.D : La TV reste le media des gros événements et du direct donc elle attirera toujours les audiences sur ces programmes. L’info aussi reste une valeur sûre. Par ailleurs, l’efficacité du media est toujours démontrée et le développement du streaming est aussi une opportunité de croissance.

M.F : Après la « révolution » vidéo digitale (déportation des audiences TV vers le digital), nous assistons au retour de ces audiences sur l’écran TV. A titre d’exemple, YouTube est de plus en plus consommé en TV, les Fast TV bien que limitées en audience actuellement connaissent une croissance fulgurante… sans parler des plateformes SVOD.

En prenant en compte l’écran TV dans son ensemble, on peut ainsi très facilement « contrer » cette érosion dans nos stratégies vidéo. Notre étude Prosumer media permettra d’anticiper ces changements quel que soit le media afin de recommander les stratégies les plus avant-gardistes.

YouTube est de plus en plus consommé en TV.

Marc Freschi

The Media Leader : Qu’attendez-vous de la mesure Médiamétrie des plateformes de streaming ?

F.D : Nous sommes tous très impatients de disposer de la mesure cross video publicitaire pour pouvoir faire une mesure dédupliquée en linéaire et délinéaire. La compréhension via la mesure va nous permettre de confirmer avec du rationnel nos intuitions et bénéficier d’une même base de référence pour répondre aux questions de tous nos annonceurs concernant la fragmentation de l’audience.

The Media Leader : Quel état des lieux du marché faites-vous pour l’année écoulée ?

F.D : C’est une année où nous avons quasiment terminé le rattrapage post covid avec l’affichage et le cinéma qui ont repris des couleurs. Le marché se normalise avec un digital qui a ralenti sa croissance toujours dans avec un contexte de permacrise qui crée quand même de fortes tensions. Nous sommes aussi dans une année de préparation des JO avec des media qui se sont prépositionnés avec des offres commercialisées dès 2023.

M.F : Une année de transformation profonde du secteur : arrivée de la nouvelle mesure vidéo, intégration de nouveaux metrics avec l’attention et accélération de la fragmentation des audiences. Autant d’opportunités pour les agences de montrer leur plus-value dans l’accompagnement stratégique de leurs clients.

The Media Leader : Quelles sont vos prévisions pour 2024 ?

F.D : Un début d’année qui pourrait être timide avec une conjoncture économique qui ne permet pas d’être ultra optimiste. Cependant, nous aurons des événements forts tels que l’Euro et Paris 2024 qui vont porter les audiences et seront de véritables opportunités pour les annonceurs de bénéficier de leur écho médiatique. Nous devrons certainement faire face à de l’encombrement et de l’inflation avec la volonté des régies de reprendre de la valeur.

A noter aussi l’arrivée de nouveaux acteurs tels que Prime, Disney +, CTV avec de nouveaux inventaires d’où la nécessité d’avoir rapidement une mesure cross plateforme

M.F : Au-delà des prévisions, nous voulons avoir des certitudes et c’est pour cela que nous lançons notre étude Prosumer.

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