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Bertrand Nadeau (OMG) : « Un nouvel entrant sur la Ligue 1 ne pourra pas composer sans les abonnés Canal+ »

Bertrand Nadeau (OMG) : « Un nouvel entrant sur la Ligue 1 ne pourra pas composer sans les abonnés Canal+ »
Bertrand Nadeau est directeur général d'Omnicom Media Group France.

Interview du lundi. Entre Coupe du monde de rugby, droits de la Ligue 1, Paris 2024 et l’Euro 2024 de football, agences, annonceurs et régies se mobilisent. L’affichage et le retail media reviennent sur le devant de la scène. Les prises de paroles essaiment et se multiplient. Pour les accompagner, Omnicom Media Group, premier groupe d’agence au classement New Business COMvergence au S1 2023, mobilise ses agences et entités (OMD, Fuse, Transact, Hearts&Science…). Bertrand Nadeau, directeur général d’Omnicom Media Group France est l’invité de la rédaction.

The Media Leader : OMG est arrivé en tête du classement New Business COMvergence au S1 2023. Quel bilan faites-vous de l’activité ?

Bertrand Nadeau : En France, le S1 était contrasté mais chez OMG, nous avons eu un T1 assez dynamique.

Parallèlement, sur l’ensemble du marché publicitaire, le T1 2023 n’est pas vu comme un T1 de référence. Pour nous, il a été assez volumique. D’une part, parce que le secteur automobile a beaucoup réinvesti en début d’année pour contrebalancer les pénuries de véhicules liées à des retards de production. D’autre part, parce que la communication de Leclerc sur la fin du catalogue a permis de fortement dynamiser le T1.

A contrario, notre T2 semble avoir été moins fort qu’ailleurs.

Le S1 est donc à peu près stable versus celui de l’année dernière.

The Media Leader : La Coupe du monde de rugby a réuni 290 annonceurs et 140,8 millions d’euros bruts de recettes publicitaires, selon Kantar Media. Quel état des lieux faites-vous de cet évènement ?

B.N : Il y a une implication des marques captives très forte. Les marques sont vraiment au rendez-vous, notamment les sponsors de l’équipe de France ou celles associées à World Rugby et à la coupe du monde.

L’investissement est significatif chez les annonceurs captifs par rapport à la coupe du monde de football au Qatar. Les partenaires de l’équipe de France avaient un peu moins annoncé que traditionnellement.

Le nombre d’annonceurs et les volumes autour de la coupe du monde de rugby n’atteignent pas le niveau de ceux de la Coupe du Monde de Football

En revanche, le nombre d’annonceurs et les volumes autour de la coupe du monde de rugby n’atteignent toujours pas le niveau de ceux de la coupe du monde de football. Il existe toujours un delta entre le rugby et le foot.

The Media Leader : L’élimination de la France n’a pas aidé

B.N : Oui, forcément. Il y a une bonification au regard des investissements publicitaires bruts, multipliés par deux lorsque la France est toujours dans la compétition. Nous estimons à peu près à 15 millions d’euros bruts l’impact de cette élimination pour TF1, puisque la chaîne était le dernier diffuseur en lice sur les phases finales.

The Media Leader : Le volet publicitaire de la Coupe du monde de rugby est donc positif, est-ce de bon augure pour Paris 2024 ?

B.N : Les deux événements présentent des structures d’investissement très différentes.

Pour la coupe du monde, il y a eu une concentration d’investissements sur toute la fenêtre de la compétition, de la fin de l’été jusqu’à fin octobre.

Les investissements autour des JO se font sur des temps beaucoup plus longs. Il y a eu un effet anticipation sur les JO qui est encore plus important que pour la coupe du monde de rugby. Donc les JO sont de très bon augure.

Des booking sont déjà faits auprès des diffuseurs officiels et des médias principaux comme l’affichage, nous ne sommes pas inquiets pour l’investissement publicitaire autour de cet événement.

The Media Leader : L’affichage est-il le grand gagnant de 2024 ?

B.N : L’affichage est l’autre mass media avec la télévision. C’est un média qui revient en 2023, les investissements sont de retour. La puissance du média est de retour à 100%. Nous ne sommes plus entravés dans nos déplacements, l’effet télétravail s’estompe. Les trafics et les fréquentations dans les lieux publics sont revenus à leur niveau pré-Covid.

Cela se voit d’ailleurs dans les tarifs pratiqués puisque l’on anticipe une inflation forte sur l’affichage de 10% à 15%, notamment sur la période des JO

L’effet est également conjoncturel. Ce média fait donc une très bonne année 2023 et nous présageons une très bonne année 2024.

Cela se voit d’ailleurs dans les tarifs pratiqués puisque l’on anticipe une inflation forte sur ce média de 10% à 15%, notamment sur la période des JO.

The Media Leader : Avec un effet local ?

B.N : Effectivement, il y a une dynamique locale sur l’affichage avec une augmentation des investissements DOOH. De nombreux plans multi-villes sont montés en vue des JO. La grande question en affichage est celle de l’audience française par rapport à l’audience internationale.

Néanmoins, la plupart des marques qui investissent autour des JO sont souvent des marques internationales. Malgré tout, toucher une audience française et internationale, portée par des budgets globaux, n’est plus un sujet pour le secteur.

The Media Leader : En 2024 aura également lieu l’Euro de football en Allemagne. Comment garder la tête froide face à ces multiples possibilités de prises de paroles ?

B.N : Nous voyons cela comme une bonne nouvelle. Ce sont des événements qui rassemblent et sont peut-être les derniers bastions de l’audience massive et instantanée, sur des carrefours comme la télévision.

Nous avons mené une étude sur le critère de l’attention. Elle tend à montrer que les carrefours sport ont une attention moyenne de 4,9 points quand l’attention moyenne des carrefours télé est de 3,1 points. Il y a une bonification de l’attention des téléspectateurs sur ces carrefours d’audience, liée à la passion et l’engagement générés.

Donc, plus ces carrefours se multiplient, plus les marques peuvent s’en saisir pour prendre la parole, ce qui s’accompagne parfois de revalorisations budgétaires.

The Media Leader : Peut-on considérer « la perte de l’attention » comme un buzzword ?

B.N : Dire que les consommateurs sont moins attentifs car ils pratiquent le multitasking serait en effet enfoncer une porte ouverte.

En revanche, on peut considérer l’attention comme le critère qui succède à celui de la visibilité (« viewability »).

Jusqu’à présent, nous avons évalué la capacité d’une publicité d’être potentiellement vue, en particulier sur les carrefours digitaux. Aujourd’hui, la mesure de l’attention permet de savoir si elle a vraiment été vue. De ce point de vue-là, ce n’est pas un buzzword. C’est probablement une des étapes qui mènera vers la prise en compte de critères plus poussés comme la mémorisation et l’impact.

The Media Leader : En 2024, pléthore d’annonceurs tireront la couverture à eux. Comment miser sur l’attention face à un effet « sapin de noël » ?

B.N : La créativité fera la différence. Aujourd’hui, nous savons identifier des points qui rassemblent, mesurer la visibilité réelle et donc le potentiel d’attention. Une fois que l’on a mis tout ça sur la table, ce qui fera la différence, c’est le message passé. Il n’y a pas de fatalité.

The Media Leader : Peut-on être créatif en média ?

B.N : Oui, bien sûr, il est possible d’être créatif à la fois dans ses choix et par le message. Certains annonceurs souhaitent par exemple sortir de l’écrin publicitaire classique. Les marques essaient de s’insérer dans des dispositifs un peu plus natifs, éditoriaux et de monter des partenariats. C’est aussi une forme de créativité.

The Media Leader : Les annonceurs, agences et régies sont-ils prêts pour 2024 ?

B.N : Le marché est bien préparé, notamment pour les JO. Depuis janvier 2023, les marques partenaires sont vraiment engagées. Les marques non-partenaires, elles, ont été sensibilisées depuis le mois de juin. D’ailleurs, l’environnement médiatique pousse à cette considération.

L’Euro 2024 est pour le moment dans un angle mort. Néanmoins, la compétition se déroule en Allemagne, les horaires de diffusions seront alignés avec les audiences françaises. Cette dernière sera mobilisée derrière une équipe de France qui peut prétendre au titre.

The Media Leader : Avez-vous une idée des audiences attendues pour les diffuseurs ?

B.N : Les marques ne viennent pas tant chercher l’audience des quinze jours de diffusion télé que le momentum global. Il y aura une attention particulière autour de cet événement, cela va créer des points de contact, qu’ils soient physiques ou digitaux, le tout dans un univers brand safe. Ce qui facilite sa capacité d’engagement. Il ne crée pas d’incertitude.

The Media Leader : Les annonceurs se mobilisent-ils également pour se saisir des Jeux paralympiques ?

B.N : Oui, d’abord autour des marques captives de l’univers olympique. Le hors captif se prépare surtout aux Jeux olympiques « traditionnels », mais je pense que ça viendra. Il y a un temps de préparation qui n’est pas le même, mais je suis certain que des marques seront au rendez-vous. Nous travaillons sur ces sujets avec des clients, en particulier autour de l’inclusion et l’accessibilité.

The Media Leader : Autre acteur de l’univers brandsafe : Twitch. Pourrait-il avoir un rôle à jouer prochainement ?

B.N : Twitch n’a pas encore de position claire sur ce que leurs streamers peuvent ou souhaitent faire. Mais la plateforme a d’ores et déjà initié des partenariats avec des diffuseurs, notamment autour de codiffusion de matchs avec RMC ou du Tour de France avec France TV.

Pour le moment, Twitch est un canal de création d’audience instantanée, complémentaire dans son audience, qui fédère et engage, que nous scrutons.

The Media Leader : Les droits TV de la Ligue 1 sont remis en jeu, avec de nouveaux acteurs dans le paysage sportif français. Que pensez-vous de leur arrivée ? Est-ce une bonne chose pour les annonceurs ? Imaginez-vous le retour de Canal+ dans le processus d’enchères ?

B.N : Je dirais qu’il est impossible d’exclure le fait que Canal+ soit, in fine, présente, dans la diffusion. Il faut d’ailleurs faire la différence entre Canal+ “le diffuseur” et Canal+ “le distributeur”.

Aujourd’hui, le noyau dur des abonnés Canal+ compte environ 50% des fans de foot, donc des téléspectateurs qui sont au rendez-vous de toutes les rencontres sportives. Pour un nouvel entrant qui serait intéressé par les droits, il est impossible de faire l’impasse sur ces 50% présents chez Canal+. Il ne peut pas non plus proposer on top des offres Canal+. BeIN avait d’ailleurs passé un partenariat avec Canal+. Ce n’est pas un hasard si DAZN s’est lancé sur le marché français avec Canal+. D’une manière ou d’une autre, Canal+ sera présent dans la Ligue 1.

Pour le reste, nous accueillons évidemment n’importe quel nouvel entrant, pour autant qu’il ait l’ambition de générer le maximum d’audience possible sur ce produit.

En ce qui concerne DAZN, ils ont une approche qui n’est pas centrée à 100% autour du broadcast et ils sont très focalisés sur le produit foot. Nous avons d’ailleurs eu la chance de les rencontrer. Ils sont très volontaires dans l’intégration des marques au sein des plateformes.

Aujourd’hui, le juge de paix sera les contenus et l’audience qu’elle est capable de générer. L’objectif de DAZN reste celui de lancer sa plateforme en propre sur le marché français, mais elle doit d’abord travailler sa notoriété.

The Media Leader : Et quel impact sur UberEats ?

B.N : UberEats est namer jusqu’à la fin de la saison en cours. Nous sommes en discussion avec la Ligue pour prolonger ce partenariat.

The Media Leader : Vous avez lancé en France Hearts & Science. Avez-vous réussi à tenir vos objectifs ?

B.N : Nous avons réussi à tenir nos objectifs. L’agence est très bien ancrée dans la dynamique de new business en S1, et première en local. Nous avons lancé ce réseau pour aller à la conquête de clients différents, car l’objectif n’était pas de faire de la duplication de OMD et Re-Mind PHD. Le réseau, lui, se structure ; chez Omnicom Media Group, nous sommes dans une stratégie de conquête et de progression sur le marché.

The Media Leader : Quelle est votre ambition avec Transact, votre nouvelle entitée dédiée au retail média ?

B.N : Transact est transverse à nos agences. Elle apporte son expertise sur des clients que nous opérons ou des pitchs auxquels nous répondons. C’est un renfort stratégique qui détient la connaissance des plateformes retail media. Transact est donc en capacité de renforcer les équipes conseil pour les stratégies dédiées au retail média, sans oublier la dimension trading sur laquelle nous sommes attendus.

Enfin, elle accompagne dans la production, comme l’adaptation et la création des fiches produits, ou d’assets de promotion sur les espaces de retail. Nous avons d’ailleurs deux personnes et un studio qui permettent de proposer ce service. Nous allons bientôt enrichir cette offre avec la plateforme Omnicommerce, avec de la data intégrée dans la recommandation et la stratégie média.

(NDLR, Transact sera partenaire du Retail Media Forum, le 14 décembre, organisé par The Media Leader)

La fin 2024 sera partagée entre ce « JO blues » et le sujet du marché « total vidéo » de 2025

The Media Leader : Quelles sont les perspectives du marché publicitaire du S1 et S2 2024 ?

B.N : Probablement très dynamiques pour le S1, portées par un effet JO et donc un effet de base. La vraie question est celle du « JO blues ». Que se passera-t-il entre septembre et décembre 2024 ? La fin 2024 sera ainsi partagée entre ce « JO blues » et le sujet du marché « total vidéo » de 2025. Il est nécessaire de rester prudent sur ce S2.

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