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Chaînes FAST : quand le linéaire fait de la résistance

Chaînes FAST : quand le linéaire fait de la résistance
Les chaînes FAST (Free Ad-Supported Television) sont en pleine expansion. Image générée par une IA.

ENQUÊTE TheMediaLeader.tech. Le 8 mai, quand le Belem faisait son entrée dans Marseille, France Télévisions lançait Paris 2024, sa chaîne numérique 100% dédiée aux Jeux. Elle permet, jusqu’au début des épreuves, de suivre le parcours de la flamme olympique directement sur France.tv, la plateforme numérique du groupe audiovisuel public, accessible en ligne, mais aussi via les télévisions connectées et les box des opérateurs.

« Chaque jour, nous diffusons 10h de programmes exclusifs en direct, avant un prime qui retrace les grands moments des Jeux à partir de nos archives. Le 24 juillet, nous débuterons la retransmission des épreuves. La chaîne se focalisera alors sur les nouvelles disciplines comme le break dance, le skate, le surf, l’escalade ou le basket 3v3, avec, autre nouveauté, la présence d’un live chat », détaille Vincent Salini, directeur commercial numérique de FranceTV Publicité.

Une éditorialisation, ainsi qu’un mode de distribution numérique qui permet selon lui de toucher une audience plus jeune, et attire en conséquence l’intérêt des annonceurs. On retrouvera ainsi entre autres Coca-Cola, partenaire du relais de la flamme, sur le format pré-roll qui permet de monétiser la chaîne jusqu’au 24 juillet. Au-delà, des écrans dédiés seront ajoutés à l’offre.

Des audiences en croissance

De quoi étendre les inventaires estampillés Jeux, et délivrer plus facilement des contacts sur cible. Ce qui semble être, côté éditeur, le grand intérêt de ces chaînes numériques gratuites financées par la publicité, ou chaînes FAST, pour Free Ad-Supported Television, qui se sont vite développées ces derniers mois.

« Nous comptabilisons 557 chaînes FAST distribuées par les huit plateformes que nous suivons (TF1+, M6+, Mango, Plex, Pluto TV, Rakuten TV et Samsung TV Plus, ndlr). Fin mars 2024, 280 chaînes proposaient un contenu francophone. C’est 30 de plus qu’en 2022 », indique Philippe Bailly, Président de NPA Conseil. Il note un développement « moins explosif qu’avant. On observe une stabilisation de l’offre en matière de cinéma et de séries, qui a été la première à se constituer étant donné l’importance des stocks et des catalogues de droits sur des franchises bien identifiées. Désormais, c’est le sport et l’info qui portent l’offre. Les frontières tombent, avec notamment des chaînes TNT qui lancent des offres FAST et qui les intègrent sur leur plateforme AVoD.»

Il est ainsi difficile de distinguer les offres gratuites linéaires et à la demande. Mais leur consommation commune entre dans les habitudes selon Philippe Bailly : « L’audience des chaînes FAST et leur durée d’écoute ne sont pas encore mesurées par Médiamétrie. Nous ne pouvons qu’évaluer les usages, au travers des résultats de notre baromètre des usages audiovisuels. 15% des Français disent regarder au moins un contenu sur une plateforme AVoD ou une chaîne FAST chaque semaine. Il y a une surreprésentation d’hommes et de personnes âgées de 25 à 34 ans.»

Une audience qui peut sembler anecdotique, mais à laquelle il faut également ajouter les 540 000 utilisateurs uniques mensuels revendiqués par Molotov Channels, ou les audiences des chaînes numériques de France.tv. « Le terme FAST est nouveau, mais pas la pratique ! Cela fait des années que nous mettons en place des chaînes live, notamment pour le sport. Nous proposons ainsi des chaînes dédiées aux différents courts de Roland Garros. Dès le 20 mai, vous pourrez aussi assister aux qualifications du tournoi sur France.tv », rappelle Vincent Salini. Toutefois, l’offre française est loin d’égaler celle des Etats-Unis, ou plus de 1500 chaînes sont actives.

« On observe un vrai décalage entre la France et les Etats-Unis dans l’adoption de ces chaînes FAST, qui s’explique par la structure de marché : en France, l’offre de télévision gratuite, via la TNT et le replay, est bien plus large qu’outre-Atlantique, où le développement des chaînes numériques thématiques a permis à de nombreux foyers d’accéder à des contenus TV sans payer les frais souvent élevés associés à la TV linéaire. Ces chaînes sont relativement faciles à mettre en place, d’où leur progression sur le marché français. Mais ce n’est pas l’explosion que connaît le marché US, ou des acteurs comme PlutoTV dépassent le milliard de dollars de chiffre d’affaires », constate Philippe Boscher, Head of Digital Marketing, Data & Research chez TF1 PUB.

Des inventaires restreints, mais qui n’en restent pas moins intéressants pour la régie, dès lors qu’ils sont considérés comme complémentaires de ceux des plateformes AVoD et des autres canaux de la vidéo gratuite en ligne. TF1 PUB, qui peut se féliciter du succès du lancement de son offre de streaming gratuite, commercialise ainsi notamment les inventaires FAST de Samsung TV Plus. « Nous développons des offres bundle avec TF1+, qui nous permettent d’augmenter le reach tout en maîtrisant les coûts et en touchant des populations différentes, connectées en Smart TV. Au fur et à mesure du développement de l’offre thématique, on touche des audiences de plus en plus précises.»

Une offre de plus en plus spécifique, et donc valorisée

Cette capacité à toucher des cibles très affinitaires est l’une des principales promesses des chaînes FAST, lesquelles se sont historiquement construites autour d’offres thématiques, comme l’indique Thomas Allemand, vice-président Adtech & Supply de Jellyfish : « En France, les chaînes FAST pèsent encore peu et servent en effet à étendre les inventaires et à délivrer du contact. Mais il faut constater l’amélioration de la qualité de l’offre de certains acteurs comme Samsung. L’intégration de chaînes d’Altice est un exemple. Certaines ont d’ailleurs des audiences très intéressantes. »

Samsung TV Plus propose ainsi 130 chaînes FAST, contre 50 il y a trois ans. « 127 sont éditées par des tiers comme Altice, France 24, Newen Studios, Mediawan ou Banijay, et les trois plus récentes sont gérées en direct. Nous investissons plus, désormais que les usages et la monétisation sont plus matures », détaille Antoine Chotard, en charge du business development de Samsung TV Plus en France. Pour lui, le développement des chaînes FAST s’inscrit dans une dynamique plus globale : celle de la distribution applicative des plateformes AVoD et, plus généralement, de la distribution des contenus des acteurs de l’audiovisuel. « Nous référençons par exemple TF1+ et distribuons les contenus de sa filiale Newen, tandis que TF1 PUB accède à nos inventaires Samsung TV Plus. Notre volonté est d’aider les acteurs locaux à construire leurs audiences CTV et à s’emparer des nouvelles pratiques, comme la diffusion de chaînes linéaires en BroadFAST (BFAST). »

C’est tout l’enjeu de l’accord passé fin 2023 entre Samsung et Altice, pour la distribution de huit chaînes exclusives OTT, comme RMC Mystère ou RMC Info Talk Sport, en plus des chaînes linéaires de BFM TV et de RMC. « Leurs inventaires sont alors adressables au CPM, avec des ciblages basés sur de la donnée propriétaire qui permettent de mener des campagnes à forte valeur ajoutée », explique Antoine Chotard.

« Le FAST représente désormais une grande partie de notre offre, avec des chaînes thématiques dédiées à l’horreur ou la comédie, ou à des séries par exemple, comme Starsky et Hutch, Ma Sorcière Bien Aimée ou Alerte à Malibu, ou encore des shows comme les Anges de la télé-réalité », indique de son côté Béatrice Leroux Barraux, Chief Ad Revenues Officer au sein de Molotov TV. De quoi toucher un large public : « Les deux tiers de nos audiences FAST ont moins de 50 ans, ce qui justifie des CPM élevés puisqu’on touche des personnes plus jeunes et aux comportements différents. »

Elle reconnaît que toutes les chaînes « n’ont pas la même valeur et la même audience », mais elles permettent à Molotov d’apprendre et d’adapter sa curation pour répondre à l’évolution des attentes des consommateurs. « Le FAST prend une place croissante par rapport à la VoD, même si cette manière de consommer le contenu représente encore trois fois plus de temps de visionnage sur notre plateforme. L’offre VoD est aussi plus importante, mais le développement de nouvelles chaînes FAST participe à ce rééquilibrage. L’offre crée la demande », assure Béatrice Leroux Barraux, qui rappelle l’intérêt des chaînes FAST pour les consommateurs et les annonceurs : « Ce sont des environnements 100% brand safe, dans lesquels les utilisateurs ont confiance et savent qu’ils trouveront toujours un contenu intéressant, tout en retrouvant l’un des principaux intérêts du linéaire : ne pas avoir à choisir ! ».

Se préparer au futur de la télévision

En agrégeant des chaînes FAST thématiques, mais aussi des chaînes linéaires diffusées en ligne, les plateformes AVoD des groupes audiovisuels ou encore les plateformes SVoD, Molotov.tv réunit les différentes tendances qui forment la télévision de demain, au sein de la notion mouvante de CTV. Le tout en offrant à ses utilisateurs une expérience unifiée.

C’est l’une des clés fondamentales pour comprendre l’évolution du marché : plus qu’à une plateforme, les consommateurs sont attachés à un contenu. « Certains se prêtent mieux au live, comme le sport ou les news, d’autres à la VoD. Mais au final, c’est le consommateur qui apprend à jongler entre les applications et les devices. Tout s’entrecroise désormais, et la distribution des contenus est un enjeu capital », observe Philippe Bailly. Il cite en exemple l’arrivée progressive des chaînes FAST à l’environnement des FAI, avec le partenariat entre Bouygues et PlutoTV, ou encore « l’intégration par SFR à son plan de service d’une dizaine de chaînes qui étaient auparavant seulement distribuées par Samsung TV Plus.» L’occasion pour les opérateurs, qui ne payent généralement pas de redevance pour ces chaînes, d’activer de nouveaux leviers business selon le Président de NPA Conseil, en touchant une partie des revenus publicitaires générés via leur box.

De quoi expliquer la volonté de France Télévisions de garder la main sur la distribution de ses contenus : « Nous voulons garder le contrôle de la distribution et de la monétisation de nos chaînes FAST, et ne pas entrer dans une logique de co-commercialisation avec des tiers. Nos chaînes sont disponibles sur France.tv, qui elle est distribuée sur les box, mais aussi sur des télévisions connectées comme Samsung, LG et Hisense, ou encore Android TV, Apple TV et Fire TV », indique Vincent Salini.

Pour les constructeurs TV en revanche, l’équation est tout autre : « Il y a un momentum, c’est une bataille des OS pour le contrôle des Smart TV. Nous voulons proposer un maximum de services pour conserver notre leadership par rapport à la concurrence. L’offre de streaming supplante la TV linéaire classique, et le streaming financé par la pub est au cœur de cette dynamique », explique Antoine Chotard. Il cite les récents résultats de l’étude Behind The Screens de Samsung Ads : 87% des utilisateurs de téléviseurs Samsung regardent désormais la télévision en streaming. De quoi redistribuer les cartes dans un écosystème où, selon lui, les opérateurs sont autant des partenaires que les broadcasters. « Nous distribuons par exemple les applications des opérateurs sur Samsung TV, qui en échange intègrent nos Smart TV dans les offres triple play en remplacement des box.»

Avec, encore et toujours, l’enjeu de simplifier l’accès aux contenus et de s’adapter aux nouvelles manières de les consommer, comme le rappelle Thomas Allemand : « Il faut tenir compte de l’évolution des comportements. Les applications sont aujourd’hui hyper-distribuées. Les Etats Unis ont leurs “cord cutter” : les personnes qui annulent leur abonnement à la télévision par câble ou satellite pour utiliser exclusivement des services de streaming en ligne notamment en raison du prix des abonnements. En France, nous commençons à avoir des “cord boring”, soit des personnes qui n’ont pas pris le soin d’installer le décodeur TV de leur FAI car ils trouvent plus simple de connecter directement leur Smart TV à internet. Moi le premier !»

Face à un écosystème encore récent et peu mature, il considère les chaînes FAST et les plateformes AVoD comme de «  grands laboratoires d’innovation, qui nous permettent d’appréhender la manière dont va fonctionner la publicité sur les télévisions connectées à l’avenir.» Il cite en exemple la technologie ACR, qui permet de reconnaître automatiquement les contenus diffusés sur les écrans opt-in et d’en tirer de précieux insights, avant de rappeler ce qui est, selon lui, une certitude : le train de la CTV ne vas pas tarder à quitter la gare, et il vaut mieux embarquer dès maintenant plutôt que de lui courir après !

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