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Jean-Luc Chetrit (Union des Marques) : « Pour accéder aux droits sportifs, les plateformes de streaming doivent être mesurées par Médiamétrie »

Jean-Luc Chetrit (Union des Marques) : « Pour accéder aux droits sportifs, les plateformes de streaming doivent être mesurées par Médiamétrie »
Jean-Luc Chetrit, directeur général de l'Union des Marques aux côtés de François Quairel, directeur de la rédaction, au The Media Leader Cannes Café. Crédit : Alexandra Coudert.

Envoyé spécial à Cannes.

Interview du lundi. Le directeur général de l’Union des marques était aux Cannes Lions pour rencontrer les acteurs du marché. Parmi ces échanges, les plateformes de streaming comme Netflix et Amazon, qui veulent séduire les annonceurs. Jean-Luc Chetrit leur a rappelé une condition pour entrer sur le marché français : être mesuré par Médiamétrie comme les chaînes de télévision. Si il semble être entendu, le représentant des annonceurs français reste vigilant et appelle la Ligue de Football Professionnelle à exiger la mesure d’audience dans le prochain appel d’offres des droits TV du football.

100%Media : Quel bilan faîtes-vous des Cannes Lions où les annonceurs ont été très présents cette année ?

Jean-Luc Chetrit : En effet, les marques sont de plus en plus nombreuses à Cannes, car elles trouvent ce qu’elles recherchent. Au Palais des Festivals, elles s’inspirent en assistant aux présentations du festival de la créativité publicitaire. Cannes est aussi devenu une sorte de VivaTech ou de CES de la publicité, des médias et de la communication. On peut y rencontrer, en l’espace de quelques jours, tous les acteurs majeurs de notre écosystème : les grandes plateformes, les acteurs technologiques et ceux qui se lancent dans ce métier. Par exemple, j’ai noté la présence très forte de Netflix cette année.

100%Media : Vous lancez une réflexion, avec le SNPTV et l’Udecam, autour de la commercialisation des inventaires publicitaires de la vidéo. Il est question de basculer la monnaie d’échange TV / vidéo du coût GRP au CPM (coût par mille), comme sur le digital. Quel est l’objectif de cette démarche ?

J-L.C : D’abord, je suis très content de ce communiqué qui est issu d’une réflexion menée en commun et qui va conduire à des groupes de travail. Sur la monnaie d’échange : je note que le GRP est utilisé partout dans le monde, à l’exception de l’Espagne. Mais pour moi, le point important est la mesure d’audience qui va évoluer dès le 1er janvier 2024. Je voudrais saluer le travail de Médiamétrie dans la modernisation de la mesure d’audience. Dès l’année prochaine, la mesure cross media permettra de couvrir tous les écrans sur lesquels un contenu TV peut être consommé comme un ordinateur, une tablette ou un smartphone. Mais, nous ne serons pas au bout. Le pas de plus sera de pouvoir mesurer la France entière, c’est-à-dire le public qui n’est pas équipé de poste TV, mais qui la consomme sur d’autres devices.
Autre point important, ce serait de pouvoir mesurer les plateformes de streaming comme Netflix, Prime Video ou Disney+ qui lancent des offres publicitaires. Ces évolutions vont arriver grâce à des investissements réalisés avec Nielsen pour pouvoir équiper les panélistes avec des outils qui vont permettre de mesurer leurs consommations.

100%Media : Avec cette nouvelle mesure, pensez-vous qu’il y aura un choc d’audience en janvier prochain ?

J-L.C : Je ne sais pas ce qu’est un choc d’audience. Ce que je sais, c’est qu’une meilleure mesure, c’est toujours une bonne nouvelle pour un marché. Comme l’absence de mesure certifiée est un problème. Là, nous aurons des données publiées par Médiamétrie avec le CESP, qui est très attentif à toutes ces évolutions méthodologiques. Je salue les chaînes de télévision qui ont accepté d’aller dans cette direction.
Depuis 18 mois, nous travaillons avec nos homologues anglais de l’ISBA sur le projet « Origin » qui va vers un vrai cross media, c’est-à-dire avoir la capacité de pouvoir identifier, avec un ID virtuel et unique, ce que l’on regarde que ce soit sur un écran TV ou digital. Parce que l’on n’a pas la même attention quand on regarde sur un écran de télé ou sur un smartphone. C’est le cross média tel que je le vois à terme.
Mais, il y a encore quelques étapes. Ces groupes de travail vont regarder ces évolutions de la mesure et les indicateurs des KPI’s. Et puis enfin, nous verrons s’il faut faire évoluer aussi la monnaie d’échange. Je rappelle que le GRP est l’outil le plus utilisé dans le monde. Mais je porte une position tout à fait ouverte à un dialogue constructif.

100%Media : Quels délais fixez-vous pour faire aboutir ces discussions ?

J-L.C : Nous nous sommes donnés 12 à 18 mois pour mener ces discussions. Je vois donc l’échéance à courant 2024.

100%Media : Netflix était très présent pour la première fois aux Cannes Lions alors que la plateforme prend position sur le marché publicitaire. Les avez-vous rencontrés et qu’ont-ils dit ?

J-L.C : Je les ai rencontrés à Cannes. Ils étaient présents pour voir des médias, des plateformes, des agences mais aussi des annonceurs. Leur modèle va évoluer et gagner en puissance, en nombre d’abonnés, en force commerciale… Peut-être vont-ils aller sur une offre programmatique ? En tout cas, je me réjouis de l’arrivée de cet acteur. C’est l’opportunité de toucher des publics qui n’avaient plus aucun contact avec la communication publicitaire. Cela démontre la valeur de la publicité dans un contexte de qualité.

100%Media : D’autres plateformes semblent également vouloir se lancer sur le marché publicitaire…

J-L.C : La concurrence est une bonne nouvelle sur un marché. Par exemple, Amazon semble aller dans cette direction pour son offre Prime Vidéo. Je les ai vus également à Cannes avec des échanges de très bonne qualité qui m’ont beaucoup rassuré. Ils m’ont, notamment, confirmé leur volonté d’être mesurés par Médiamétrie.

Pour la France, j’ai entendu que Netflix veut être mesuré par Médiamétrie. La question est de savoir quand, car il faut développer des outils technologiques.

100%Media : La mesure des audiences de ces plateformes de streaming est assez centrale selon vous. Pourquoi ?

J-L.C : Si on veut accéder à un marché publicitaire, il faut respecter les règles en adoptant une mesure indépendante. Les grands annonceurs ne veulent pas rentrer sur des offres qui ne sont pas mesurées.
Mais les choses sont en train de bouger. J’ai eu des échanges avec Jeremi Gorman, la patronne mondiale de Netflix Advertising, quand elle est venue à Paris en décembre.
Pour la France, j’ai entendu que Netflix veut être mesuré par Médiamétrie. La question est de savoir quand, car il faut développer des outils technologiques. Il y a également la question du financement. C’est notre modèle : les chaînes de télévision payent leurs mesures. Netflix et Prime Video doivent  participer au financement. Mais je crois comprendre qu’ils l’ont bien en tête.

100%Media : Prime Video diffuse des compétitions sportives comme le championnat de France de football et Roland-Garros, mais sans aucun chiffre d’audience. Comment est-ce possible pour les sponsors de ces événements ?

J-L.C : Pour le Championnat de football, nous avons deux diffuseurs : Canal Plus et Amazon. Le premier est mesuré par Médiamétrie et l’autre non. C’est un problème. La Ligue de Football Professionnelle (LFP) doit pousser cela dans le prochain appel d’offres qui sera lancé en septembre. J’ai demandé un rendez-vous pour en discuter avec eux afin que les règles du jeu soient claires. Les marques ont besoin d’avoir les audiences des événements sportifs. On ne peut pas acheter à l’aveugle des sponsorings et des écrans publicitaires sur des événements aussi importants que les Championnats de football ou de tennis. Les audiences de France Télévisions sont mesurées pour Roland-Garros. Ce n’est pas le cas de Prime Vidéo.

100%Media : Comment les marques peuvent-elles accepter cela ?

J-L.C : Elles le demandent par ma voix. L’Union des marques a 250 adhérents dont plusieurs très grandes entreprises qui sont sponsors des événements sportifs majeurs. On va essayer d’avancer. Je pense que Prime Vidéo comprend cela. La Ligue a un intérêt à consolider des audiences qui sont mesurées de manière certaine. Les enjeux économiques sont beaucoup trop importants.

Tous les sports qui valorisent leur audience par le sponsoring et la publicité, doivent se donner moyens de mesurer ces audiences.

100%Media : Vous demandez que la mesure d’audience soit inscrite dans le futur appel d’offres d’événements sportifs…

J-L.C : Tous les sports qui valorisent leur audience par le sponsoring et la publicité, doivent se donner moyens de mesurer ces audiences. Les chaînes de télévision sont mesurées par Médiamétrie, donc les plateformes doivent l’être aussi. Je pense que, pour accéder à ces droits de diffusion, il faut une obligation de mesure.

Nous appelons à une légère ouverture de la publicité autour de grands événements culturels et sportifs sur France Télévisions.

100%Media : Vous avez récemment fait part de votre opposition à la suppression totale de la publicité après 20h, y compris le parrainage, sur France Télévisions, comme le souhaitent certains députés. Pourquoi ?

J-L.C : C’est une mauvaise idée parce que la télévision est un média de la puissance d’audience instantanée. C’est sa force. Si on réduit l’offre en général et donc l’exposition possible d’une marque, on réduit son intérêt. L’autre sujet est celui du parrainage. C’est un format qui conduit une marque à accompagner un programme. Je vous donne un exemple : si un grand réseau mutualiste de banque accompagne des festivals de musique avec une visibilité sur les antennes de France Télévisions et qu’on supprime la possibilité de le faire, il ne va pas se reporter sur les chaînes privées. Et pire, il ira investir sur des plateformes digitales. Il sera perdu par le média télé. Et cela n’aidera pas les chaînes privées.
Je rappelle qu’en 2007, lorsque la publicité a été supprimée après 20 heures sur France Télévisions, ce sont 400 millions d’euros qui ont été perdus et qui ont filé sur le digital.

Le parrainage représente 2% du temps en moyenne entre 20 h et 24 h sur France Télévisions qui respecte son cahier des charges.

Au contraire, nous appelons à une légère ouverture de la publicité autour de grands événements culturels et sportifs, pour donner des moyens à France Télévisions de pouvoir diffuser, par exemple, Roland-Garros le soir alors que l’événement est diffusé chez Prime Video.

100%Media : Gautier Picquet, président de Publicis Media France, estime dans 100%Media, que le marché publicité est beaucoup trop régulé en France. Est-ce votre point de vue ?

J-L.C : La publicité est un bouc émissaire de beaucoup de sujets qui ne sont pas de son ressort. La publicité contribue à la croissance. Mais il faut faire en sorte le secteur ait moins d’impact sur l’environnement. Nous avons engagé les entreprises dans un programme de mesure de leur impact carbone, de la production jusqu’à sa diffusion. On se donne les moyens de progresser.

D’une calculette carbone à l’autre, il peut y avoir des écarts de 1 à 20. C’est totalement contreproductif !

100%Media : Beaucoup d’initiatives sont lancées autour de l’empreinte carbone. Où en êtes-vous ?

J-L.C : La stratégie doit être collective. Nous avons réuni La Filière Communication, l’AACC, L’Udecam et les médias afin de leur indiquer notre direction. Nous avions besoin de créer un référentiel qui nous permette d’avoir un socle de mesure commun. D’une calculette à l’autre, il peut y avoir des écarts de 1 à 20. C’est totalement contreproductif ! Il faut absolument que le thermomètre donne la bonne température. Notre combat des six prochains mois sera de faire en sorte que cette initiative française, qui est une première dans le monde, ne soit pas isolée. Nous ne voulons pas qu’une autre solution, venant des États-Unis ou du Royaume-Uni, nous soit imposée au niveau global. Il faut que la solution française devienne cette solution globale.
La France a été à l’origine de beaucoup d’idées. Avec ADNetZero et la WFA (World Federation of Advisers) où je siège, je pense que nous avons une réelle capacité d’influence.

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